En 2016, la Chine a traité 7,3 millions de tonnes de plastiques, soit plus de la moitié du plastique recyclé de la planète. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres des déchets du reste du monde traités chaque année dans ce pays.
Mais en juillet 2017, Pékin a décidé de bannir l'importation de 24 types de déchets et l'interdiction est entrée en vigueur début 2018.
Cette décision force de nombreux pays à s'adapter, y compris la Chine elle-même: l'interdiction d’importer a mis un sérieux coup de frein au développement de l'industrie de la transformation.
Mais il y a un revers de la médaille: l’activité de recyclage du plastique domestique en souffre. Avec la fin du plastique importé, beaucoup d’entreprises ont fermé et le traitement du plastique domestique est aussi bloqué.
"Il n’y a pas de politique de subvention du recyclage. Le coût pour retraiter le plastique est plus élevé que les bénéfices potentiels, alors il n'y a pas d'incitation. Quand on ne recycle pas, ça part à la décharge", explique Wang Weiping, membre de la Commission de gestion de la municipalité de Pékin.
"Atelier du monde"
La décision de Pékin pousse les pays occidentaux à revoir leur politique de gestion des déchets. "Il faut passer de la poubelle du ménage au grand monde, dans le sens où le déchet voyage de plus en plus. Il n'échappe pas au phénomène de la mondialisation", estime Gérard Bertolini, spécialiste des déchets, économiste et chercheur au CNRS, qui évoque un "effet boomerang".
"La Chine est un atelier du monde, et l'on voit revenir des produits qui sont fabriqués avec les mêmes matières premières que les pays occidentaux ont envoyées là-bas", ajoute-t-il.
Selon le chercheur, "il faudrait chercher un certain découplage. La croissance de la production de déchets a tendance à suivre la croissance de la production en général. C'est la raison pour laquelle la Chine a un taux de croissance plus élevé que celui de nos pays, et donc une faim de matières premières".
Gérard Bertolini souligne qu'il "n'y a pas que les plastiques", mais aussi "les déchets électriques et électroniques" qui sont envoyés vers l'Asie ou l'Afrique, "où les coûts de traitements sont moins élevés". Sans compter les anciennes voitures, les pièces de navires démantelés ou encore les fripes...
Problème reporté sur d'autres marchés
A San Francisco, une ville qui vise le "zéro déchet" dès 2020, l'entreprise Recology, en charge de la collecte et du traitement des déchets, doit s'adapter à la décision chinoise.
"Les cubes de papier que nous produisons ne contiennent que 3 à 5% d'impuretés. C'est déjà un pourcentage très bas pour l'industrie du recyclage. Mais les Chinois veulent des pourcentages encore plus bas. Alors on réfléchit à tout ce qu'il est possible de faire humainement pour y arriver", explique son porte-parole Robert Reed.
En attendant, Recology se cherche d'autres marchés. Les exportations de déchets vers le Vietnam ou la Malaisie ont explosé ces derniers mois. Certains pays seront sans doute obligés d'incinérer ou d'enterrer des produits pourtant recyclables, mais il ne s'agit que de solutions à court terme.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Adaptation web: Jessica Vial