Les dirigeants nord- et sud-coréens se sont rencontrés vendredi à Panmunjom, dans la zone démilitarisée qui divise la péninsule coréenne, pour un sommet historique au cours duquel ont été évoqués les sujets les plus sensibles du conflit qui oppose techniquement toujours les deux pays.
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Lors de ce sommet, le troisième du genre après ceux de 2000 et 2007, Kim Jong-un et Moon Jae-in ont fait part de leur volonté de mettre un terme à la guerre et se sont engagés à une "dénucléarisation complète" de la péninsule.
"Moon Jae-in a toujours prôné le dialogue"
Pourtant, il y a quelques mois encore, l'humeur était loin d'être à la pacification. Mais pour le spécialiste Antoine Bondaz, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, deux événements clés ont présidé à la reprise du dialogue entre les deux pays.
Le premier est le retour au pouvoir des progressistes en Corée du Sud. "Dès son entrée en fonction le 10 mai 2017, le président Moon Jae-in a prôné le dialogue avec Pyongyang", faisant part de sa volonté d’être le président de l’unité, rappelle Antoine Bondaz.
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Cet expert de la Corée estime que le deuxième élément ayant servi de préalable au réchauffement des relations est, paradoxalement, la rhétorique martiale adoptée par Kim Jong-un fin 2017.
Le 28 novembre dernier, le régime nord-coréen a annoncé avoir complété les objectifs de ses grands programmes balistique et nucléaire, après avoir réussi le tir d’un missile balistique intercontinental.
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Pour Antoine Bondaz, avec ces déclarations, "Kim Jong-un a fait savoir qu’il avait rempli son objectif militaire national, se donnant une légitimité et ouvrant la voie à un éventuel gel des essais et à une possible reprise des relations diplomatiques".
Volte-face en janvier
Depuis cette séquence où la tension a frôlé son niveau maximal, les rencontres et les gestes d’ouverture savamment orchestrés se sont multipliés de la part de Séoul comme de Pyongyang. Chronologie:
- 1er janvier 2018: après avoir ignoré pendant plusieurs mois les appels du pied du président Moon Jae-in, Kim Jong-un fait volte-face dans son allocution du Nouvel An. Il adopte un ton conciliant avec la Corée du Sud et laisse entendre pour la première fois que le Nord pourrait envoyer une délégation aux JO de Pyeongchang, en février.
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- 3 janvier: la Corée du Nord annonce le rétablissement du téléphone rouge inter-coréen.
- 9 janvier: à l'invitation de Séoul, des délégations nord- et sud-coréennes se rencontrent à Panmunjom. Dans un communiqué commun publié à l'issue de la rencontre, la première en plus de deux ans, les Corées confirment que le Nord enverra une délégation aux JO de Pyeongchang, et indiquent que des contacts militaires seront engagés.
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JO et "K-pop"
- février: les Jeux olympiques de Pyeongchang sont le signe le plus visible, et le plus riche en symboles, de cette détente. Des délégations nord-coréennes de haut rang sont présentes lors des cérémonies d'ouverture et de clôture. Kim Yo-jong, soeur de Kim Jong-un et haute dirigeante du parti unique, fait même le déplacement.
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- 5 mars: une délégation sud-coréenne est invitée en Corée du Nord. C'est la première fois que des responsables sud-coréens s'entretiennent avec Kim Jong-un depuis son accession au pouvoir, en 2011. Lors de cette rencontre, Pyongyang évoque la suspension des essais, et sa possible dénucléarisation.
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-1er avril: une délégation d'une centaine d'artistes sud-coréens, parmi lesquels des stars de la "K-pop", donne pour la première fois un concert à Pyongyang devant Kim Jong-un et sa femme.
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Le 21 avril, quelques jours avant le sommet inter-coréen de vendredi, la Corée du Nord a fait un pas vers la concrétisation de ses promesses, en annonçant la suspension de ses essais nucléaires et de missiles balistiques, et le démantèlement du site à partir duquel elle procédait à ses tests d'armes atomiques.
Pauline Turuban