Dans les suites du sommet historique entre les dirigeants nord et sud-coréen, l'émission Tout un monde revient sur les implications de ce rapprochement pour les Etats-Unis, la Chine et le Japon. Quel impact pourrait avoir un éventuel accord de paix sur ces différents pays?
Un sommet capital pour les Etats-Unis
Du côté de la Maison Blanche, la prudence règne. Donald Trump sait que Pyongyang n'a pas toujours tenu ses promesses mais le président américain semble convaincu que cette fois-ci, les conditions sont différentes. Sans doute aussi parce qu'il a choisi une approche plus musclée, gage peut-être de plus de sincérité côté nord-coréen.
Que ce soit du côté américain avec l'administration Trump ou du côté de la Corée du Nord avec le régime de Kim Jong-un, deux machines complexes sont à l'œuvre, avec des décisions qui viennent souvent directement de tout en haut. Le sommet entre les deux dirigeants, dans une même pièce, est peut-être la meilleure garantie d'aboutir à des résultats concrets. Il devrait se tenir dans les trois à quatre prochaines semaines en Mongolie ou à Singapour.
>> Lire aussi : La Suisse semble hors course pour accueillir le sommet entre Trump et Kim
Alors que les annonces sont essentiellement venues de Corée du Nord, notamment avec un abandon possible de son arsenal nucléaire, les Etats-Unis n'ont pas fait de contre-proposition. Washington s'est contenté de réaffirmer les trois axes visés: une dénucléarisation totale, vérifiable et irréversible.
Pékin ne veut pas rester sur la touche
Pour Pékin, la principale préoccupation est de rester dans le jeu des négociations. De ne pas se retrouver à l'écart des futures discussions, d'une part entre Kim Jong-un et Donald Trump mais aussi entre les deux Corées elles-mêmes.
Un détail n'a échappé à personne en Chine: juste après le sommet, le président sud-coréen Moon Jae-in a immédiatement contacté Donald Trump pour l'informer en détail des discussions, puis il a appelé le président russe Vladimir Poutine, mais pas le président chinois Xi Jinping. La Chine devra attendre mercredi pour avoir des informations de première main, quand son ministre des Affaires étrangères se rendra à Pyongyang.
En Chine, chaque détail de la rencontre a été observé très attentivement. Mais côté diplomatique, il a été accueilli avec beaucoup de retenue et de prudence. La première réaction officielle vendredi a été donnée sous forme de poème: "La fraternité survit à toutes les vicissitudes, et tout ce que nous avons besoin c'est d'un sourire pour dissoudre les vieilles rancunes", un langage inhabituel pour la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Pékin se félicite évidemment du sommet. Quant à la presse officielle chinoise, elle soulignait ce week-end que l'avenir de la région dépend maintenant en grande partie de l'attitude que Donald Trump adoptera.
Le Japon craint d'être sacrifié par son allié américain
Le Japon, géographiquement aux premières loges, mais marginalisé depuis la reprise du dialogue, ne croit pas que Kim Jong-un va renoncer à son arsenal nucléaire et balistique. Dans les allées du pouvoir japonais, on estime que le dirigeant nord-coréen reste le maître du jeu.
En proposant un traité de paix entre les deux Corées, avant toute négociation sur une dénucléarisation de la péninsule coréenne, Kim Jong-un met habilement la charrue avant les boeufs, selon le grand journal conservateur Yomiuri, et piège Donald Trump.
En effet, tant que ce processus de paix entre les deux Corées durera, le président américain ne pourra pas menacer la Corée du Nord de frappes préventives si elle refuse de renoncer à son arsenal nucléaire.
Le Japon, qui dépend du parapluie nucléaire américain pour sa sécurité, craint que Donald Trump ne sacrifie la sécurité de son allié pour proclamer sa victoire au terme de son sommet avec Kim Jong-un. Le risque? Persuader le dirigeant nord-coréen de renoncer à développer des missiles de longue portée capables de détruire des villes américaines, quitte à ce qu'il continue de menacer le Japon et la Corée du Sud avec ses missiles de courte et moyenne portée.
Analyse: Raphaël Grand, Sébastien Ricci et Georges Baumgartner
Adaptation web: Eric Butticaz