"C'est une lutte pour le pouvoir, pas une lutte pour une idéologie", précise d'emblée l'invitée de Géopolitis Caroline Vuillemin, directrice de la Fondation Hirondelle. L'ONG suisse est présente en Centrafrique depuis 18 ans.
Dans cette guerre civile, deux mouvements principaux s'affrontent, semant la terreur parmi les populations civiles. La Seleka, alliance musulmane aujourd'hui fragmentée en une multitude de factions rivales, et les Anti-balaka, milice d'autodéfense chrétienne et animiste. Déployés en 2014, les casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en Centrafrique (Minusca) semblent incapables de venir à bout de cette crise souvent décrite comme un conflit d'ordre confessionnel. "C’est vraiment un raccourci", nuance Caroline Vuillemin. "Le clivage religieux est utilisé par les seigneurs de guerre pour déstabiliser le pouvoir en place et les institutions. La population centrafricaine n'est pas divisée entre chrétiens et musulmans."
Espoir démocratique en 2016
En 2016, l’élection démocratique du président Faustin Archange Touadéra avait soulevé l'espoir qu'une page allait se tourner. Mais comment restaurer l’autorité de l'Etat sur un pays en lambeaux?
"Depuis l'indépendance, on est dans un contexte de mauvaise gouvernance, de pseudo-démocratie sans réel état de droit avec des partis politiques ancrés sur la recherche du pouvoir plutôt que sur des idées", souligne Caroline Vuillemin. L’absence d’une volonté politique reflète la situation catastrophique du pays. "Pauvreté, inégalités, manque d’accès aux soins, à l’éducation, aux services de base. Ça va de mal en pis."
Au-delà des complications internes, les infiltrations de pays voisins ont aussi miné la stabilité de l'Etat centrafricain. Au début des années 2000, les troupes congolaises de Jean-Pierre Bemba et les rebelles ougandais de l’Armée de résistance du Seigneur, avaient commis des crimes de guerre lors d'incursions vers la République.
Ingérences post-coloniales
Tout comme d'autres pays du continent, la Centrafrique conserve les séquelles de l’époque coloniale. Après l’indépendance, les grandes entreprises françaises n’ont pas cessé de manoeuvrer en coulisses en poursuivant leurs intérêts. Le pétrolier Total, le groupe Bolloré, France Télécom, Areva, tous y font des affaires.
La Chine et la Russie se disputent aussi le contrôle et l’exploitation des ressources du pays. "Officiellement les Russes ont le mandat de former les troupes centrafricaines. Pour les habitants, cette présence ne pose aucun problème. Elle représente une solution pour plus de sécurité", relève Caroline Vuillemin.
Si l'idée d’une partition du pays a souvent été évoquée, elle n'est pas une solution pour Caroline Vuillemin. "Je ne crois pas à la partition du pays. Les Centrafricains forment un peuple uni, pacifique. Le processus de paix sera compliqué, mais si on trouve les dirigeants politiques qui ont la volonté d'arrêter les seigneurs de guerre et remettre le pays en marche, l’avenir peut être meilleur", conclut-elle.
Oliver Galfetti
La Fondation Hirondelle en bref
La Fondation Hirondelle est une ONG suisse qui encourage l'information indépendante dans des contextes de conflits ou de crises humanitaires.
Basée à Lausanne, l’organisation crée des médias, forme et soutient des journalistes. La Radio Ndeke Luka, présente depuis 18 ans en Centrafrique, est le média le plus populaire et le plus écouté du pays, avec une audience d'environ 3 millions de personnes.