Le chef du gouvernement populiste italien, Giuseppe Conte, a refusé jeudi soir d'approuver une première salve de conclusions, portant notamment sur la défense et le commerce, avant même que ne commence le débat sur les migrations entre les dirigeants des 28.
"Rien n'est approuvé tant que tout n'est pas approuvé", a justifié une source gouvernementale italienne pour expliquer sa position, tandis que les présidents de la Commission européenne et du Conseil européen devaient reporter à vendredi la conférence de presse prévue jeudi soir à mi-parcours du sommet.
"Nous attendons des actes", avait d'emblée déclaré à son arrivée à Bruxelles le Premier ministre italien, qui reproche à ses voisins de laisser l'Italie gérer seule les arrivées de migrants. Il avait alors déjà menacé de bloquer l'adoption de conclusions communes, qui doit recueillir l'unanimité.
L'UE "face à son destin"
Le Conseil européen réuni à Bruxelles ponctue deux semaines de bras de fer diplomatique autour de navires transportant des migrants secourus en Méditerranée, auxquels Rome a refusé l'accostage.
Il est aussi marqué par la fragilité inédite de la chancelière allemande Angela Merkel, dont l'autorité est défiée sur la question migratoire. Son ministre de l'Intérieur menace de refouler aux frontières les migrants déjà enregistrés ailleurs, de manière unilatérale, faute de mesures européennes contre les déplacements de migrants dans l'UE.
"L'Europe a beaucoup de défis mais celui lié à la question migratoire pourrait décider du destin de l'Union européenne", a prévenu jeudi Angela Merkel, appelant à des solutions "multilatérales" et non "unilatérales".
Le président français Emmanuel Macron est allé dans le même sens, écartant les "solutions nationales" à la question migratoire. "Je défendrai des solutions européennes de coopération dans l'UE", a-t-il plaidé à son arrivée à Bruxelles.
ats/ebz
Dérogation provisoire ou non aux principes de Dublin?
Le sommet devait initialement permettre de débloquer la réforme du régime d'asile européen, enlisée depuis deux ans. Mais cet objectif a été abandonné, les divergences étant trop fortes sur la réforme du Règlement de Dublin, qui confie aux pays de première entrée dans l'UE la responsabilité des demandes d'asile.
La Commission propose de déroger à ce principe ponctuellement en période de crise, avec une répartition des demandeurs d'asile dans l'UE depuis leur lieu d'arrivée. Mais des pays comme la Hongrie et la Pologne, soutenus par l'Autriche, s'y opposent frontalement.
L'Italie demande au contraire un système permanent de répartition, et l'abandon pur et simple du principe de la responsabilité du pays d'arrivée.
La Libye s'estime abandonnée par l'Europe
Pour intercepter ou sauver des migrants en Méditerranée, les garde-côtes libyens ne disposent que de quatre navires, dont un "en panne", restant parfois à quai... faute de carburant.
"Nous ne recevons aucun soutien, ni de l'intérieur (du pays) ni de l'extérieur", a déploré le général Ayoub Kacem, porte-parole de la marine libyenne, précisant que les vedettes utilisées par ses hommes sont "prêtées" par Rome depuis 2010.
"Les navires ont atteint leur limite", a-t-il ajouté, mettant en garde contre un "effondrement total" des gardes-côtes libyens.
Plongée dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011 et minée par les luttes d'influence, l'insécurité et une crise économique, la Libye estime avoir été abandonnée par l'Europe pour faire face seule aux flux de migrants transitant sur son territoire.