Un garçon irakien de 6 ou 7 ans qui fabrique une poupée, puis la décapite avec un couteau en plastique: c'est l'image qui a marqué Robert Mardini, directeur régional sortant du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Moyen-Orient, en six ans sur le terrain, au coeur des conflits. "Cela résume ces six ans. Une enfance privée d'éducation, exposée à des choses dont aucun enfant ne devrait être témoin. Et cela montre la taille du défi. D'abord de trouver des solutions politiques à ces conflits, mais aussi de réconcilier les communautés et de sauver une nouvelle génération", relate-t-il vendredi dans La Matinale de la RTS.
"Le seuil minimum pour préserver l'humanité"
Robert Mardini s'est rendu en Syrie, en Irak, au Yémen, à Gaza, au Liban ou encore en Jordanie, théâtres d'opérations humanitaires intenses ces dernières années. "Le CICR va toujours pousser pour le respect du droit humanitaire, qui est finalement le seuil minimum pour préserver l'humanité durant la guerre", estime-t-il.
Un droit international qui doit atténuer la souffrance, protéger les civils et les anciens combattants... mais est-il encore opérationnel dans une situation d'urgence comme celle du Moyen-Orient? "Il est urgent de croire au droit international humanitaire, car l'alternative n'existe pas", tranche Robert Mardini.
"Certains Etats ont la mémoire courte"
"Il existe encore. On sait qu'il fonctionne. Maintenant, il faut qu'il fonctionne plus. Il faut qu'il y ait moins d'attaques contre les hôpitaux, contre les ambulances, contre les centres de santé... Et pour ça, tous les pays - pas seulement les pays belligérants - ont une obligation de faire respecter ce droit. Tous les pays qui soutiennent des parties au conflit (...) doivent être beaucoup plus sérieux en conditionnant leur soutien par un respect plus rigoureux de ce droit sur le terrain. C'est comme ça que ce droit peut vivre", détaille-t-il.
Robert Mardini rappelle que "la majorité des Etats ont signé des traités et des conventions internationaux, notamment celle sur les réfugiés". "Certains Etats ont parfois la mémoire courte. Certains aussi doivent composer avec leur opinion publique. Et les déplacements ont suscité des angoisses, c'est un fait".
Il appelle à "garder la proportion des choses". "Toutes les personnes que nous rencontrons sur le terrain, qu'elles soient déplacées à l'intérieur de leur pays ou qu'elles aient traversé les frontières, la seule chose qu'elles veulent, c'est de rentrer chez elles, pour autant que la situation le permette".
Propos recueillis par Romain Clivaz
Adaptation web: Jessica Vial