En quatre ans, l'organisation Etat islamique (EI, ou Daech) a cédé 90% de son territoire, situé à cheval sur la Syrie et l'Irak. L'ONU et les Etats-Unis estiment toutefois que l'armée terroriste dispose encore de 20'000 hommes sur ce terrain. Bien qu'affaibli et acculé, l'EI a d'ailleurs pu commettre le mois dernier l'attentat le plus violent de son histoire en Syrie, avec près de 250 morts.
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Mais, outre son territoire et ses hommes, ce sont les capacités du groupe qui seraient à la dérive, à en croire Gilles Kepel, interrogé vendredi dans le 19h30 de la RTS en marge d'un séminaire sur la question à Lugano. "Daech était à la fois un réseau terroriste international à partir du bas, qui permettait de réunir des gens dans des petites villes européennes. Mais c'était surtout une organisation en Syrie et en Irak, qui coordonnait les opérations." Or, selon le spécialiste, cette dernière organisation est désormais "détruite".
Nous sommes dans une mutation du djihadisme, dont Daech est l'un des compétiteurs.
Poches de résistance
Il existe encore un groupe de l'EI résilient à la frontière syro-irakienne, près de la ville syrienne d'Abou Kamal. Ses sympathisants profitent de ces poches dans la région pour commettre des attentats en Syrie, en Afghanistan ou en Irak. "Mais ce n'est plus du tout le Daech que nous connaissions", dit Gilles Kepel, qui estime que l'on assiste à "une mutation du djihadisme, dont Daech est l'un des compétiteurs".
Sommes-nous donc "tirés d'affaire"? "Par rapport à la situation de 2014 à 2017, il n'y a rien en commun", répond le politologue, qui rappelle qu'à l'époque, on vivait sous la menace permanente, avec des personnes menacées de mort sous protection policière. "Ce n'est plus le cas", souligne-t-il.
Vigilance
En manque d'action dans l'hémisphère nord, la propagande du groupe EI s'attribue des actions sans preuves, comme à Londres il y a dix jours, ou encore ce jeudi à Trappes, en région parisienne, dans cette "ancienne capitale du djihad", qui a vu partir 80 personnes en Syrie et en Irak. L'attaque au couteau qui a fait deux morts a immédiatement été revendiquée par l'EI.
Or, la thèse d'un différend familial semble être privilégiée par les enquêteurs. "Daech revendique n'importe quoi pour exister aujourd'hui", souligne Gilles Kepel, qui appelle à la prudence face aux crimes "habillés d'un accoutrement djihadiste superficiel".
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Mais la vigilance reste néanmoins de mise. Car la situation la plus explosive serait aujourd'hui "dans les prisons européennes, où les combattants de l'EI emprisonnés continuent à faire du prosélytisme, sans que les administrations pénitentiaires aient véritablement réussi à savoir comment faire".
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Feriel Mestiri