Il y a un an, les accusations d'agressions sexuelles à l'encontre du producteur américain Harvey Weinstein faisaient l'effet d'une bombe. Depuis, le mouvement #MeToo a provoqué la chute d'une longue série de personnalités. RTS La Première s'intéresse aux changements provoqués par ce scandale.
Les bouleversements de #MeToo un an après l'affaire Weinstein
Le monde du cinéma
L'affaire Weinstein, un détonateur
Harvey Weinstein, producteur qui faisait la pluie et le beau temps à Hollywood, a été accusé en octobre 2017 par plusieurs femmes d'abus sexuels. Il a depuis été mis en cause par une centaine de femmes, stars ou personnes de l'ombre de l'industrie du cinéma, et a été formellement inculpé pour viol.
Ce scandale a servi de détonateur, de nombreuses victimes ayant décidé d'accuser publiquement des hommes de pouvoir, relayant le hashtag #MeToo sur les réseaux sociaux.
Le comportement de personnalités du grand écran a été dénoncé, dont Dustin Hoffman ou Steven Seagal. Kevin Spacey a, lui, été notamment accusé d'avoir harcelé et agressé il y a plusieurs décennies deux jeunes acteurs, mineurs à l'époque. Il a été écarté de la série à succès House of Cards.
Dernier en date dans le monde de la télévision américaine, le PDG de la chaîne CBS Les Moonves a été contraint au départ début septembre après de nouvelles accusations d'abus sexuels. Avant lui, l'onde de choc de l'affaire Weinstein avait déjà provoqué la chute du présentateur vedette de NBC Matt Lauer et de Charlie Rose sur CBS.
Le monde politique également touché
John Conyers, doyen de la Chambre des représentants, a dû démissionner à l'âge de 88 ans sous la pression de son parti démocrate, tout en niant les gestes déplacés que lui reprochent cinq femmes ayant travaillé pour lui. Le sénateur démocrate Al Franken a aussi démissionné pour des gestes déplacés.
Accusé en pleine campagne pour le Sénat dans l'Alabama d'avoir agressé sexuellement des adolescentes lorsqu'il était trentenaire, Roy Moore a lui finalement perdu l'élection dans un Etat pourtant jugé largement acquis à son parti républicain.
Enfin, soutien du mouvement #MeToo, le procureur démocrate de l'Etat de New York Eric Schneiderman a dû démissionner après avoir été accusé de violences par quatre femmes.
Le monde du travail
Les relations hommes-femmes ont-elles changé?
Les relations hommes-femmes restent visiblement une question délicate dans les entreprises. Carole Wittman, directrice de la Clinique du travail à Morges (VD), est régulièrement confrontée à la thématique du harcèlement au travail.
Depuis un an, elle relève un certain paradoxe: "Les hommes ont une espèce d'ultra-vigilance. Ils sont beaucoup dans le contrôle de leurs attitudes. Je pense qu'on est passé du trop de laxisme au trop de contrôle", estime-t-elle.
Retenue et énervement
Un constat que partage Xavier Ganioz, du syndicat Unia. "J'observe une certaine retenue dans certains gestes ou certaines paroles, qui étaient légion auparavant. Mais j'observe aussi du côté masculin une part d'énervement, où l'on se sent obligé de changer son attitude."
Chez les femmes, la parole s'est parfois libérée. Mais elle s'est aussi parfois refermée, par lassitude ou par envie de tourner la page. Quoi qu'il en soit, la prudence a gagné tous les niveaux. Certaines entreprises ont même mis en place des cours de sensibilisation au harcèlement psychologique et sexuel.
Le monde du sport
Un bastion du sexisme qui résiste encore
Les femmes représentent près de 40% des athlètes aux Jeux olympiques. Pourtant, sur les écrans et dans la culture populaire, cette progression n'est pas encore visible.
"On trouve que le sport pratiqué par des femmes n'est pas tout à fait le vrai sport", indique le sociologue du sport Christophe Jaccoud. Ce présupposé, dit-il, repose sur le fait que le sport a été inventé par les hommes pour des hommes, dans les universités britanniques, à la fin du XIXe siècle.
Le début d'une reconnaissance
Alors que le sport féminin a été quasiment interdit en France jusque dans les années 1960, les fédérations anglaises et allemandes ne l'ont reconnu qu'entre 1969 et 1970.
Actuellement, c'est surtout le football féminin qui bénéficie d'un intérêt grandissant. En effet, depuis la Coupe du monde de 2011, on observe un engouement au sein des clubs, qui comptent de plus en plus de joueuses. En France par exemple, le nombre de licenciées a triplé pour atteindre un taux de 7%, alors qu'en Suisse il est légèrement plus haut, à 8%.
Un an après
Comment faire pour que la prise de conscience se transforme en acte concret?
Comment envisager l'après-Weinstein et passer de la parole aux actes:
Elections américaines de mi-mandat
Nombre record de candidates
Les élections américaines de mi-mandat, qui se tiendront en novembre, connaissent un nombre record de candidates. Cette mobilisation fait suite à deux électrochocs: l’élection de Donald Trump et l’affaire Weinstein, deux événements dont les féministes américaines ont de la peine à se remettre.
"J'ai été profondément surprise", réagit Vivian Gornick, auteure, critique littéraire et icône du féminisme aux Etats-Unis. "Ma principale surprise vient du fait que rien n'a changé. La manière dont les hommes et les femmes se comportent les uns envers les autres au travail n'a presque pas changé."
Plus de 20'000 femmes engagées dans des scrutins
Elle se demande encore comment Donald Trump a pu être élu à la Maison Blanche. "Cette terrible faillite de la démocratie libérale a provoqué une colère irrationnelle."
Mais, dit-elle, cela a permis de voir émerger une résistance massive de la part des radicaux et des libéraux. "Au total, 22'000 femmes se sont engagées dans des scrutins pour des postes dans la fonction publique."
#MeToo en Russie
L'inertie reste grande
Un an après le mouvement #MeToo, l’inertie reste encore grande en Russie, comme le démontre l'affaire Leonid Sloutski. En mars, trois femmes journalistes parlementaires accusaient de harcèlement ce député de la Douma.
Or, l'homme n'a pas été inquiété et s’en est sorti avec deux lignes d’excuses sur les réseaux sociaux. Malgré les accusations, et l’existence d’un enregistrement qui le mettrait en cause, le comité d’éthique du Parlement a jugé qu’il n’y avait pas de preuve contre le député.
Il faut dire que la Russie ne dispose pas de loi contre le harcèlement. La résistance des élites politiques y est aussi pour quelque chose, selon Mari Davtian, avocate spécialiste du droit des femmes. "Pas plus tard que hier, le président Poutine racontait à quel point la Russie était sensible à l'égard des femmes et comment elles n'ont aucun problème. La présidente de la Chambre haute du Parlement estime aussi qu'il n'y a aucune discrimination envers les femmes en Russie. Avec un déni si clair, il est difficile d'obtenir quoi que ce soit."
Lutte contre le harcèlement sexuel
Le rôle de la formation
L'onde de choc qui a suivi l'affaire Weinstein a atteint plusieurs parlements romands où les députés ont demandé à leur gouvernement respectif d'agir. Ils ont notamment mis en avant le rôle de la formation comme moyen de lutte contre le harcèlement sexuel.
Pour l'écologiste vaudoise Léonore Porchet, il faut apprendre aux enfants et aux adultes à savoir déceler la présence ou non d'un consentement. A Fribourg, son collègue de parti Bruno Marmier a essuyé un échec après le rejet de son postulat. Selon lui, les policiers ne sont pas assez formés pour pouvoir bien prendre en charge les victimes.
Un avis partagé par la députée genevoise Anne Marie von Arx-Vernon, qui pointe également un manque de sensibilisation chez les magistrats et les universitaires. Son parti, le PDC, veut d'ailleurs ancrer dans la loi la lutte contre les violences sexistes.
Ligne téléphonique et ateliers
A Genève encore, l'affaire Weinstein a servi d'accélérateur dans l'affaire Ramadan. Depuis janvier, une ligne téléphonique a été mise en place par le Département de l'instruction publique et le centre LAVI pour mieux entourer les élèves victimes d'abus.
De son côté, le 2e Observatoire - l'institut romand de recherche sur les rapports de genre - confirme que, depuis une année et à la demande des écoles, il a dû organiser davantage d'ateliers sur la question du harcèlement sexuel.
Commentaire
"Je ne me reconnais pas dans le mouvement #MeToo"
La journaliste de la RTS Delphine Gendre ne se retrouve pas dans le mouvement #MeToo.
"On ne peut que se féliciter que des hommes harceleurs et abuseurs, soient enfin inquiétés", estime-t-elle. Et d'ajouter: "Pourtant je l'avoue, je ne me reconnais pas dans cet élan planétaire dont tant de femmes se réclament aujourd'hui."
Quel écho chez les jeunes?
Les filles en première ligne
L'affaire Weinstein a ouvert la voie à des milliers de dénonciations de harcèlement et d’agressions sexuelles via le hashtag #MeToo. Depuis, le mouvement a pris une dimension mondiale. Mais quel impact cette libération de la parole a-t-elle eu chez les jeunes?