Mark Urban, journaliste de la BBC, s'est basé pour son ouvrage sur plusieurs entretiens qu’il a menés avec Sergueï Skripal en 2017, dans le cadre d'une enquête sur l’espionnage post-guerre froide.
C’est durant cette même période que Sergueï Skripal se serait rendu en Suisse, réaffirme mercredi l'écrivain dans l'émission Tout Un Monde sur La Première: "Je peux dire assez précisément qu’il s’y est rendu fin juin/début juillet, pour une semaine. Il m’a laissé entendre assez clairement que c’était pour des consultations professionnelles avec des membres du renseignement en Suisse."
L’objet de ces consultations n’est pas connu de Mark Urban, mais il estime qu'elles pourraient être liées à des enquêtes sur des affaires de corruption ou de l'argent placé en Suisse par des personnes suspectes.
Il m’a laissé entendre que c’était pour des consultations avec des membres du renseignement en Suisse.
"Mais le plus intéressant, poursuit le journaliste de la BBC, c’est lorsqu'on a récemment appris que, dans votre ville (Lausanne), des agents des services secrets militaires russes avaient été attrapés alors qu’ils tentaient, en mars 2017, d’espionner une conférence de l’agence mondiale anti-dopage."
>> Lire aussi : Enquête du Ministère public après la cyberattaque visant l'Agence antidopage
La Suisse aurait-elle consulté Skripal quelques mois plus tard pour obtenir des informations sur le fonctionnement du renseignement militaire russe? Contacté, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) répond ne pas commenter "les allégations des médias ou les publications, ni ne s'exprime sur ses activités opérationnelles."
Agent plus facile à localiser
Le livre "The Skripal Files" éclaire sur la personnalité de l'agent double qui, malgré ses liens avec les services secrets occidentaux, se montrait assez patriote à l'égard de la Russie. L'homme de 67 ans ne se rendait d'ailleurs pas compte de l'ampleur du danger, note l'écrivain.
D'ailleurs, si les services secrets russes s'avéraient être à l'origine de l'empoisonnement, pourquoi l'ont-ils attaqué lui, un espion à la retraite?
S'il ne répond pas à cette question, Mark Urban pense que cet ancien agent n'était pas le premier sur la liste des personnes visées, mais qu'il était probablement plus accessible, puisqu'il vivait ouvertement à Salisbury, et avait maintenu des liens avec sa famille en Russie.
"Le gouvernement britannique a découvert, après l’empoisonnement, que les Russes interceptaient les e-mails de sa fille dès 2013 déjà. Des efforts à long terme sont déployés pour trouver ces gens, et une fois que les conditions sont bonnes, pour essayer de les tuer."
Au regard de Mark Urban, c'est probablement la visite de sa fille Ioulia en mars dernier qui aurait réuni ces "bonnes conditions" et déterminé le moment de l'attaque.
Un espion "semi-retraité"
Le journaliste souligne également que Sergueï Skripal n'était pas totalement à la retraite. Après son emprisonnement en 2004 pour sa collaboration avec des services secrets occidentaux, il est libéré en 2010 grâce à un échange d'espions, et s'installe en Angleterre.
L'homme ne cesse pas son activité pour autant, selon Mark Urban. En plus de la Suisse, l'agent double se serait rendu aux Etats-Unis en 2011, en République Tchèque en 2012, ainsi qu'en Estonie. Pas étonnant, vu que le profil assez unique de l'ex-espion:
"Lorsqu’il travaillait pour les services secrets militaires russes, les trois dernières années de sa carrière, Skripal siégeait au sein du conseil qui gérait l'organisation. Ce n'est donc pas un simple agent, il comprenait comment cette organisation fonctionnait, au plus haut niveau."
Reste que l'affaire de son empoisonnement n'a pas fini de faire des vagues entre révélations russes et britanniques. Le journaliste de la BBC, lui, dit ne plus avoir eu de contact avec Sergueï Skripal depuis l’attaque, mais il suppose qu’il est en cours de rétablissement.
>> Lire aussi : Un suspect de l'affaire Skripal identifié comme un agent russe, Moscou nie
Isabelle Cornaz / Mouna Hussain
Skripal, un "salaud", selon Vladimir Poutine
"Ce Skripal n'est qu'un traître, a déclaré mercredi le président russe Vladimir Poutine lors d'un forum consacré à l'énergie. "Il a été pris et puni, il a passé 5 ans en prison. Nous l'avons libéré, il est parti (en Grande-Bretagne) et continuait de collaborer et de conseiller les services secrets."
"Ce n'est qu'un espion, un traître à la patrie, a poursuivi Vladimir Poutine. Ce n'est qu'un salaud, purement et simplement. Mais il y a toute une campagne de presse qui a été montée autour de ça. (...) Parfois, je regarde ce qu'il se passe autour de cette affaire, et je suis effaré", a-t-il encore lancé.