C'était le pays de toutes les promesses, l'eldorado, l'exemple à suivre. Et patatras! La crise de 2015 et les scandales pour corruption ont secoué le Brésil. Dimanche, 147 millions de citoyens sont appelés à voter pour les élections les plus tourmentées depuis la fin de la dictature en 1985. Mais le coeur n'y est pas.
Treize candidats en lice
Treize candidats sont en lice pour succéder à l'impopulaire Michel Temer, 78 ans, qui ne se représente pas. Impliqué dans plusieurs affaires de corruption et très critiqué pour ses mesures d'austérité économique, il a lancé dans la course son ancien ministre des Finances, Henrique Meirelles, pour redorer le blason du Mouvement démocratique brésilien (MDB), centre droit conservateur.
Mais dans les sondages publiés jeudi ce banquier, soutenu par les milieux d'affaire, se classe loin derrière les deux favoris du scrutin: Jair Bolsonaro et Fernando Haddad.
La montée de l'extrême droite
Surnommé le "Trump des tropiques", Jair Bolsonaro, le candidat du Parti social libéral (extrême droite), fait une percée inattendue en dernière ligne droite, à tel point que certains analystes n'excluent même plus de le voir gagner dès le premier tour.
Très suivi sur les réseaux sociaux, cet ancien capitaine de l'armée n'a pas repris la campagne dans les rues depuis qu'il s'est fait poignarder lors d'un bain de foule le 6 septembre. Il est connu pour ses dérapages racistes et homophobes.
Jair Bolsonaro bénéficierait même d'un effet contre-productif des manifestations qui ont jeté le week-end dernier des centaines de milliers de Brésiliennes dans les rues, selon l'un de ses adversaires, Ciro Gomes (centre gauche), qui arrive en troisième position des intentions de vote (voir encadré).
L'ombre de Lula
A n'en pas douter, le succès de ce candidat sulfureux s'inscrit surtout dans la haine croissante contre le Parti des travailleurs, la gauche de Lula. L'ex-président, incarcéré pour corruption, a été remplacé au pied levé par Fernando Haddad, lui-même empêtré dans plusieurs affaires.
Peu connu du grand public, ce professeur d'université de 55 ans - et ancien maire de Sao Paulo - est à des années lumières du style de l'ex-ouvrier métallurgiste proche du peuple qu'était Inácio Lula da Silva. Car ce dernier a beau être en prison depuis avril, les rebondissements de sa situation politico-judiciaire ont accaparé le pays pendant des mois et déterminé la stratégie des grands partis en vue de l'élection du 7 octobre.
Le maître des horloges de cette campagne a été Lula
De fait, depuis sa condamnation en appel en janvier à plus de douze ans de prison pour corruption, Lula s'est battu pour briguer un troisième mandat avant de passer le relais le 11 septembre - seulement - à son poulain.
Une stratégie payante? Depuis jeudi, la question se pose. Au second tour, le 28 octobre, Jair Bolsonaro l'emporterait par une courte marge (44% contre 42%), selon les dernières estimations, alors que Fernando Haddad était encore donné nettement vainqueur (45% contre 39%) une semaine plus tôt. Ne reste plus qu'à attendre le verdict des urnes.
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Juliette Galeazzi avec AFP/Stephen Mossaz (à Rio)
Les partis centristes n'ont pas réussi à occuper le terrain
Longtemps vu comme le candidat de centre gauche capable de remplir le vide laissé par l'absence de Lula du scrutin, Ciro Gomes (60 ans) a échoué à sa tentative de ratisser le plus large possible.
Candidat du Parti démocratique travailliste (centre gauche), ce cacique du Ceara, un Etat pauvre du Nord-Est, connu pour ses sautes d'humeur est la principale victime de l'alliance nouée au centre par Geraldo Alckmin (centre droit). Ce dernier, issu de la formation au pouvoir entre 1995 et 2002, a déjà eu sa chance au second tour de la présidentielle en 2006. Il avait alors été battu par Inázio Lula da Silva, en état de grâce.