Comme annoncé en mai dernier, l'entreprise transfère une partie importante de ses services à Zurich, où un grand bureau sera ouvert. L'antivirus Kaspersky sera à terme finalisé et signé numériquement en Suisse.
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Contactée, Anne Mickler, porte-parole de Kaspersky Lab en Allemagne, Autriche et Suisse, explique que l'entreprise a opté pour la Suisse car celle-ci réunit les critères de neutralité et de sécurité.
Sécurité et transparence
Désignée comme "coffre-fort numérique", la Confédération est dotée d'une solide législation sur la protection des données, estime Anne Mickler. Au point que son entreprise envisage d'y stocker les données de tous ses clients, hormis celles des Russes, obligatoirement conservées sur le territoire national.
Pour contrer toutes suspicions, Kaspersky Lab veut également ouvrir un centre de transparence à Zurich, où ses clients pourront parcourir le code source et explorer le lieu et la manière dont leurs données sont stockées.
Pas de résistance en Suisse
Malgré les récentes révélations sur les cas d'espionnage russe en Suisse, l'annonce de l'arrivée du géant russe de cybersécurité n'a pas fait de vagues. "Ces affaires n'ont pas eu d'impact sur nous, affirme la porte-parole de Kaspersky Lab. Nous ne sommes pas impliqués dans la politique, nous sommes juste une entreprise de technologie."
Quant à ses liens présumés avec les services secrets russes, "les autorités suisses n'ont aucune preuve que le fabricant d'anti-virus Kaspersky Lab ait effectivement été impliqué dans les cyberattaques en Russie", explique le Département de la défense de la Confédération (DDPS), qui trouve même "innovantes" les méthodes de stockage de données et de vérifications présentées par Kaspersky Lab.
L'administration fédérale elle-même utilise, entre autres, des produits Kaspersky. "Des précautions ont été prises pour empêcher la transmission des données aux fournisseurs ou à des parties tierces, rassure l'Office fédéral de l’informatique et de la télécommunication (OFIT), qui dit surveiller en permanence les antivirus utilisés.
Un attrait économique
D'un point de vue économique, l’arrivée de la multinationale s’inscrit assez bien dans le souhait de certains politiciens de profiler la Suisse comme un pays idéal pour le stockage des données numériques.
La Confédération affiche d'ailleurs une volonté "de créer des conditions générales favorables au développement de l'économie et de la société numériques dans toute la Suisse".
Isabelle Cornaz / Mouna Hussain
Bataille politique et commerciale aux Etats-Unis
Depuis lundi, les produits Kaspersky sont prohibés dans l'administration fédérale américaine. Washington soupçonne l'entreprise d'être sous l'emprise des services secrets russes.
Pour le fondateur du groupe, Eugène Kaspersky, qui est par ailleurs diplômé d'une université financée par le KGB et ancien employé du ministère de la défense, ses produits sont attaqués "parce que nous sommes vraiment bons dans ce que nous faisons".
"On est clairement dans une bataille de souveraineté pour pointer du doigt les intérêts de la Russie sur le sol américain", estime pour sa part Kevin Limonnier, auteur du livre "Ru.net : géopolitique du cyberespace russophone", et invité de Forum mercredi.
Le maître de conférence à l’institut français de géopolitique souligne qu'il faut bien distinguer "Kaspersky Russie de Kaspersky Monde, qui sont deux identités distinctes, avec des intérêts extrêmement différents."
Kevin Limonnier rappelle toutefois que, comme toute autre entreprise de sécurité informatique, Kaspersky Lab peut être amenée à fournir des données à la justice russe dans le cadre de certaines enquêtes. De même, comme toute société russe, la multinationale peut subir des pressions des autorités, "ce qui est courant dans ce pays."
Géant de la cybersécurité
Née PME familiale en 1997, Kaspersky Lab est aujourd'hui une multinationale qui revendique plus de 400 millions d'utilisateurs. Installé dans une trentaine de pays, le groupe affiche un chiffre d'affaires de près de 700 millions de dollars.
Entre 80-85% des ventes de Kaspersky Lab se font hors de Russie. Celles-ci ont récemment baissé aux Etats-Unis, confirme l'entreprise, mais pas en Europe.