Modifié

Comment les armes chimiques ont servi à Bachar al-Assad pour s'imposer

Une enquête de la BBC révèle que le nombre d'attaques chimiques en Syrie est bien plus important que ce que l'on croyait.
Une enquête de la BBC révèle que le nombre d'attaques chimiques en Syrie est bien plus important que ce que l'on croyait. / 19h30 / 2 min. / le 18 octobre 2018
Une enquête de la BBC montre à quel point les armes chimiques ont joué un rôle crucial dans la stratégie de Bachar al-Assad pour sortir vainqueur de la guerre en Syrie. Et ce malgré les engagements internationaux pris en 2013.

Au moins 106 attaques chimiques ont eu lieu en Syrie de 2014 à 2018, indiquent BBC Panorama et BBC Arabic dont l'enquête a été publiée lundi.

En septembre 2013, sous la pression internationale, Damas avait pourtant promis de se séparer de son arsenal chimique. Bachar al-Assad ne cesse depuis de répéter qu'il n'a pas de telles armes à disposition et accuse ses opposants d'être à l'origine des attaques sur son territoire (lire encadré).

Régions ciblées

Les zones touchées coïncident pourtant généralement avec des offensives menées par les troupes de Bachar al-Assad. Les provinces d'Idlib et Hama, fiefs des opposants au régime, ont ainsi -selon ces recherches- enregistré la moitié des attaques identifiées. Alep en aurait subi plus de vingt, toutes concentrées sur la fin 2016, soit la période qui a précédé la chute du bastion rebelle d'Alep-Est le 22 décembre.

De la même façon, les huit incidents répertoriés en Ghouta orientale entre janvier et avril 2018 coïncident avec les combats de l'armée syrienne pour reprendre cette région proche de Damas.

Moyens aériens engagés

Mais cela suffit-il à attribuer ces attaques chimiques au gouvernement de Bachar al-Assad? Des moyens aériens, dont l'armée syrienne a le monopole, ont été engagés pour mener plus de la moitié des attaques recensées, souligne la BBC.

Pour les enquêteurs, seules deux attaques au gaz moutarde sont imputables avec certitude aux djihadistes du groupe Etat islamique (EI). Trois autres pourraient vraisemblablement lui être attribuées, selon un faisceau d'indices. Les autres fractions insurgées en Syrie n'auraient elles pas les moyens de procéder à des attaques chimiques.

Autant d'éléments pour étayer la thèse d'une utilisation stratégique de ces armes par Bachar al-Assad pour rester au pouvoir, en sus des bombardements.

Les armes chimiques ont joué un rôle d'appoint dans des situations où le régime n'avait pas tous les moyens disponibles pour arriver à ses fins

Marc Finaud, expert du désarmement

"Cette enquête sérieuse conforte d'autres enquêtes réalisées par les Nations unies et l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques. Toutes démontrent qu'en dépit des promesses faites la Syrie a utilisé des armes chimiques à une large échelle ces dernières années", observe dans un entretien à la RTS Marc Finaud, spécialiste des armes chimiques au Centre de politique de sécurité (GCSP) à Genève.

"C'était notamment pour obliger les combattants à se rendre ou pour terroriser une population pour qu'elle quitte en masse certains territoires que le régime voulait récupérer", analyse-t-il. "C'est une utilisation stratégique, certes, mais c'est aussi l'utilisation d'une arme interdite pour terroriser des civils, en recourant à des moyens comparables à ceux des terroristes".

>> Retrouver l'analyse complète de Marc Finaud, expert du désarmement :

Analyse sur les armes chimiques
Analyse sur les armes chimiques / L'actu en vidéo / 2 min. / le 18 octobre 2018

Article web: Juliette Galeazzi

Sujet TV et vidéo: Tristan Dessert/Mélanie Kornmayer

Publié Modifié

Armes chimiques en Syrie: quelques repères chronologiques

En septembre 2013, le président syrien Bachar al-Assad signe la Convention internationale sur les armes chimiques et accepte ainsi de détruire ses stocks.

En juin 2014, des inspecteurs de l'OIAC annoncent la destruction et l'élimination du matériel chimique déclaré par Damas. Ils soulignent toutefois que des inconsistances ont été identifiées dans les indications données par la Syrie. Depuis, Bachar al-Assad répète au fil des entretiens qu'il ne dispose plus d'armes chimiques et attribue à ses opposants le recours à de telles armes. En août 2015, le Conseil de sécurité crée une mission d'enquête commune ONU-OIAC.

Le 4 avril 2017 a lieu l'attaque la plus désastreuse à Khan Cheikhoun, dans la province d'Idlib. Au moins 80 personnes sont tuées, dont des femmes et des enfants, et des centaines d'autres blessées. En octobre 2017, des enquêteurs de l'ONU et de l'OIAC confirment que l'attaque chimique a eu lieu et que le gouvernement syrien en est responsable.

Fin 2017, la Russie exerce son droit de veto à l'ONU pour mettre fin au mandat de la mission d'enquête commune ONU-OIAC visant à identifier les responsables des attaques en Syrie.