Spécialiste de la péninsule arabique, coordinatrice au Conseil européen des relations internationales, Camille Lons note, dans la Matinale de la RTS lundi, que "jusque-là, Trump avait affiché son soutien total au prince Mohammed ben Salmane, affirmant que la version officielle de l'Arabie saoudite tenait. Mais il commence à donner des signes de gêne face à cette version qui montre de nombreuses zones d'ombre, qui a changé plusieurs fois et qui soulève de nouvelles questions". Et ses alliés occidentaux, constate Camille Lons, expriment leur volonté de ne pas accepter cette version officielle."
Après avoir longuement nié que le journaliste exilé aux Etats-Unis avait été tué le 2 septembre à l'intérieur de son consulat à Istanbul, l'Arabie saoudite a fini par le reconnaître ce week-end, en évoquant une "terrible erreur" lors d'une altercation qui aurait mal tourné.
Partenaire important des Etats-Unis
Mais si, sous la pression, Donald Trump a changé de ton, parlant de "mensonges", il reste un partenaire important de Ryad. Camille Lons rappelle qu'à peine arrivé au pouvoir, le président américain avait choisi d'effectuer sa première visite en Arabie saoudite. "Trump avait notamment mentionné la question des contrats d'armement.(...) Il avait parlé de contrats de 110 milliards de dollars en jeu, mais il y a aussi la question pétrolière, et l'Arabie saoudite reste un partenaire stratégique dans la lutte contre l'Iran et contre le terrorisme dans la région".
Européens mal coordonnés
Quant aux Européens,"ils sont conscients qu’ils ont moins d’influence sur l’Arabie saoudite que les Etats-Unis, mais en même temps, il y a ce rôle de l'Europe de toujours pousser pour certaines valeurs et ce sentiment que les Européens, s'ils ne tiennent pas une position très ferme envers l'Arabie saoudite, perdraient leur crédibilité ", explique la chercheuse avant d'ajouter: "Le problème de l'Europe, c'est qu'elle est aujourd'hui divisée, qu'elle se coordonne mal."
Camille Lons estime que l'Arabie saoudite pourrait "se rendre compte finalement qu'il peut y avoir une réponse forte du côté de ses partenaires occidentaux et elle pourrait réviser certaines de ses politiques les plus impulsives. Mais pour l'instant c'est très difficile à dire et il est possible que le statu quo reste en place."
Propos recueillis par Romaine Morard