Dans son rapport "Deux Autorités, une façon de faire, zéro dissidence", qui est le fruit de deux années d'enquête, l'ONG a identifié 86 cas d'arrestations arbitraires et de mauvais traitements infligés aux opposants.
Ces méthodes sont employées aussi bien en Cisjordanie, dirigée par le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, que dans la bande de Gaza, gouvernée de facto par le mouvement islamiste du Hamas depuis 2007.
Les violences physiques et psychologiques exercées par les services de sécurité y sont devenues la norme selon Eric Goldstein, directeur-adjoint de la division Moyen-Orient de HRW: "Il ne s'agit pas de cas isolés, les exactions sont systématiques" affirme-t-il.
"Cette nuit tu vas mourir, tu dois parler"
Soupçonné d'être en contact avec le Hamas, parti rival du Fatah de Mahmoud Abbas, le journaliste indépendant Sami As-Sai a été interrogé pendant près de deux semaines par les services de renseignement de l'Autorité palestinienne en février 2017: "Ils me disaient: 'on va te manger, on va te tuer, on est très énervés, cette nuit tu vas mourir, tu dois parler'", raconte-t-il.
Les mains menottées, les bras étirés et le corps attaché à un câble durant de longues heures, Sami As-Sai ne sait pas dire exactement combien de temps il a passé dans cette position lors de sa détention au centre d'interrogatoire du Comité conjoint de sécurité à Jéricho en Cisjordanie occupée.
"Tout se passait de nuit, ils ne nous interrogent pas pendant la journée. Et dès que l'obscurité commençait à tomber, je prenais peur." Sami As-Sai a été torturé au moyen du shabeh. Ce terme en arabe désigne une technique consistant à ligoter un détenu dans une position douloureuse dans le but d'arracher des aveux sans laisser de traces. C'est une pratique à laquelle a recours Israël mais qui est aussi largement utilisée par les forces de sécurité palestiniennes contre les dissidents, remarque HRW.
Facebook surveillé
L'utilisation de violences physiques et psychologiques exercées par les services de sécurité s'est accélérée ces dernières années, note HRW. De nombreux citoyens sont arrêtés arbitrairement par les autorités pour une simple publication sur Facebook, réseau social surveillé de près par la myriade d'agences de renseignement palestiniennes.
Pour avoir écrit "Nous allons lutter contre l'Autorité palestinienne comme nous luttons contre l'occupation israélienne", Hamza Zbeidat a été interrogé pendant deux jours par la Sécurité préventive palestinienne. Depuis dix ans, ce défenseur des droits de l'Homme est régulièrement convoqué par les services.
"Ils veulent nous faire taire, nous n'avons pas le droit de nous exprimer. Ils m'empêchent de vivre normalement. Je suis toujours sous pression, si je publie quelque chose ils peuvent m'arrêter et m'interroger. C'est une dictature et si nous restons silencieux et que la communauté internationale reste silencieuse, cela veut dire qu'ils acceptent cette nouvelle dictature palestinienne sous occupation israélienne", martèle l'homme de 33 ans.
Témoignages recueillis par HRW en vidéo:
Soutien financier de l'UE
Créés dans la foulée des accords d'Oslo, les services de renseignements palestiniens sont en partie financés et entraînés par l'Union européenne et les Etats-Unis. Malgré le gel des fonds américains aux Palestiniens, le Congrès a débloqué cette année 60 millions de dollars pour la coopération sécuritaire avec l'Autorité palestinienne.
Le Qatar, l'Iran et la Turquie, quant à eux, soutiennent financièrement le Hamas dans la bande de Gaza. "Tous ces pays devraient suspendre leur assistance aux organes sécuritaires qui torturent les dissidents de manière systématique", estime Human Rights Watch.
Marine Vlahovic