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"On envoie le mauvais message au prince si on le laisse s’en sortir"

Jason Rezaian dans les bureaux du Washington Post. [RTS - Raphaël Grand]
Jason Rezaian, journaliste du Washington Post qui a côtoyé Jamal Khashoggi / Tout un monde / 6 min. / le 25 octobre 2018
Ami et collègue de Jamal Khashoggi au Washington Post, le journaliste Jason Rezaian espère que toute la lumière sera faite sur sa mort au consulat saoudien d'Istanbul. La RTS l'a rencontré dans les bureaux du quotidien.

Très proches, Jason Rezaian et Jamal Khashoggi travaillaient tous les deux à la Section Opinion du quotidien américain - le premier dédié à l'actualité iranienne, le second à l'actualité saoudienne.

Et l'éditorialiste insiste d'emblée sur le fait que son ami et collègue n'avait rien d'un activiste ou d'un dissident. "Je le voyais comme un penseur, un écrivain. Et pas quelqu'un de particulièrement énervé dans ses écrits. Il était honnête, sérieux, très lu, avec une bonne réputation en tant qu'expert. Il était éduqué, intelligent, bien élevé. Il était… humain."

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"Khashoggi tirait la sonnette d'alarme pour tout le monde"

Alors que les scénarios sur la mort de Jamal Khashoggi fluctuent encore à Ryad, il est certain aux yeux de Jason Rezaian que l'Arabie saoudite a voulu le réduire au silence.

"Il était devenu une voix critique de leur agenda politique (…) Khashoggi était quelqu'un qui tirait la sonnette d'alarme pour tout le monde - y compris avec la famille royale. Il leur disait: 'vous savez, ce n'est pas comme ça qu'on fait des réformes. Vous devez laisser les gens libres, vous devez les laisser s'exprimer, vous devez respecter leurs opinions et leurs demandes.' Et ça ne s'est pas passé comme ça."

Pour l'heure, la communauté internationale dénonce encore relativement timidement le meurtre du journaliste. En Suisse, le Conseil fédéral va réévaluer ses contrats d'exportation de matériel de guerre vers l'Arabie saoudite mais n'envisage pas de sanctions en l'état.

>> Lire : Berne exige que toute la lumière soit faite sur la mort de Jamal Khashoggi

"J'espère vraiment qu'au final cette affaire atteigne le plus haut niveau"

L'éditorialiste au Washington Post estime, lui, que la communauté internationale doit faire plus. "On envoie le mauvais message au prince d'Arabie saoudite si on le laisse s'en sortir", dit-il. "L'Arabie saoudite est un système plutôt opaque mais la plupart des gens admettent que la décision d'envoyer une équipe d'agents dans un pays tiers (…) ne peut que se prendre au plus haut niveau du pouvoir (…) Si on part du principe que le meurtre de Khashoggi est vrai, les dirigeants doivent avoir des réponses (…) J'espère vraiment qu'au final cette affaire atteigne le plus haut niveau."

Raphaël Grand/oang

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Libéré des geôles iraniennes avec l'aide de la Suisse

Accusé d'espionnage alors qu'il était correspondant du Washington Post à Téhéran, Jason Rezaian a passé 544 jours en détention en Iran avant d'être finalement libéré en janvier 2016.

Il connaît bien la Suisse et ses diplomates, qui sont intervenus dans sa libération. Il prépare du reste un livre pour raconter son histoire. "Disons simplement que le ministère suisse des Affaires étrangères a et aura toujours une place spéciale dans mon cœur", se contente-t-il de dire pour l'instant.

Il a tiré de son expérience douloureuse une volonté encore plus grande d'écrire sur la liberté de la presse, sur les autres journalistes qui rencontrent des problèmes.

"Je me sens utile", explique-t-il. "Quand ce genre de chose arrive à un journaliste ou à n'importe qui, si personne ne sait, personne n'écrit, ne parle de vous à la radio ou à la télévision, la situation empire (…) Si on ne parle pas de ces cas, si on ne va pas au fond des choses, elles se répètent simplement encore et encore."