Le nombre de femmes qui siégeront à la Chambre des représentants est plus élevé que jamais, selon les résultats provisoires des élections cités par l'agence Associated Press (AP). Au moins 99 femmes ont été élues à la chambre basse du Congrès, contre 84 dans l'assemblée sortante.
Au total, 237 femmes s'étaient portées candidates à la Chambre cette année, selon AP, un record. Jamais autant de femmes, ni de femmes issues de minorités n'ont été élues, surtout côté démocrate où la colère anti-Trump s'est cristallisée dans un nouveau souffle politique.
Parmi les nouvelles venues, quelques figures emblématiques s'imposent. Elles incarnent la diversité d'un pays qui sort divisé des législatives.
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Minorités représentées
Au rang des victoires de la nuit de mardi à mercredi, l'élection des deux premières femmes de confession musulmane au Congrès américain, Ilhan Omar et Rashida Tlaib, respectivement candidates du Minnesota et du Michigan pour la Chambre des représentants.
"On a réussi, ensemble. Merci!", posté au milieu de la nuit, heure suisse, le tweet de Ilhan Omar, réfugiée somalienne de 36 ans, confirme un des premiers résultats connus du scrutin. "J'ai hâte de siéger avec toi, inchallah", poursuit-elle à l'adresse de Rashida Tlaib, 42 ans, née à Détroit de parents immigrés palestiniens. Toutes deux défendent une politique progressiste, notamment en matière d'accès à la santé et aux études.
A leurs côtés entrent à la Chambre des représentants
les premières femmes amérindiennes
à siéger au Congrès. Les deux démocrates, l'avocate homosexuelle Sharice Davids (Kansas) et Deb Haaland (Nouveau-Mexique) l'emportent alors que plus d'une dizaine d'hommes des minorités autochtones avaient déjà été élus au Congrès, mais jamais aucune femme.
La gauche s'affirme
Au-delà des membres issus des minorités, une nouvelle vague d'élu-e-s, bouscule l'establishment démocrate dans le sillage du mouvement initié par Bernie Sanders lors de la primaire de 2016.
C'est le cas notamment d'Alexandria Ocasio-Cortez, présentée comme l'étoile (montante) de la gauche. Hispanique de 29 ans, cette ancienne serveuse et éducatrice a remporté sa circonscription populaire new-yorkaise, avec un programme résolument de gauche. Elle devient à l'issue de ce scrutin
la plus jeune membre du Congrès
.
L'élue démocrate de Boston Ayanna Pressley incarne elle aussi un courant à la gauche du parti. Elle est même considérée comme parmi les plus à gauche des Etats-Unis. A 44 ans, elle devient
la première femme noire à représenter le Massachussetts
. Originaire de Chicago, elle n'a pas hésité à évoquer ses expériences d'agressions sexuelles et à invoquer sa proximité avec les classes populaires pour assurer qu'elle serait "une dirigeante différente".
Un sentiment de défiance
Après une année marquée par le mouvement #MeToo et la défiance à l'égard du président républicain, encore accentuée au sein de l'électorat féminin par l'élection du juge Brett Kavanaugh à la Cour suprême, ces femmes représentent une Amérique qui dit stop.
"Avec George W. Bush, le Parti républicain a beaucoup investi dans les femmes", a relevé mercredi matin Paul Vallet, historien et chercheur associé au Geneva Center for Security Policy (GCSP), interrogé sur La Première. "Il y a eu un excès de confiance chez Hillary Clinton lors de l'élection à la présidence. Beaucoup de femmes blanches ont voté Donald Trump. Les démocrates devaient reconquérir cet électorat", a-t-il rappelé.
Electorat féminin mobilisé
Et la stratégie du parti a rencontré les attentes d'un électorat féminin qui s'est largement mobilisé. "Les femmes ont été inspirées par des valeurs qui ne sont pas celles de Donald Trump", avance Karen Olson, membre de Democrats Abroad Switzerland.
Nombre de celles qui avaient préféré le républicain à la démocrate Hillary Clinton en 2016 ont retourné leur veste. "Ce phénomène s'observe dans certaines banlieues blanches privilégiées et dans des régions où on ne s'y attendait pas forcément comme Oklahoma City, la Virginie ou Kansas City", relève Philippe Revaz, correspondant TV de la RTS aux Etats-Unis. "Donald Trump devrait se méfier parce que c'est une partie de sa possible majorité en 2020 qui pourrait lui échapper", ajoute-t-il.
Reste à savoir comment ces nouvelles venues réussiront à se faire entendre sur l'échiquier politique américain ces deux prochaines années.
Juliette Galeazzi avec AFP