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Au Mexique, "l'arrestation de Joaquin El Chapo Guzman n'a servi à rien"

Joaquin Guzman, alias El Chapo, lors de son arrestation en janvier 2016. [Reuters - Edgard Garrido]
Plaidoiries au procès du trafiquant de drogue mexicain "El Chapo" à New York / Tout un monde / 6 min. / le 13 novembre 2018
L'arrestation du célèbre narcotrafiquant mexicain El Chapo, dont le procès entre dans le vif du sujet mardi, n'aura pas servi à diminuer la violence, bien au contraire, analyse le sociologue Jean Rivelois sur les ondes de la RTS.

Dirigeant du plus grand cartel du Mexique pendant près de 30 ans, doublement évadé de prison, qualifié de plus grand criminel du XXIe siècle, héros d'une série Netflix.

Le procès de Joaquin Guzman Loera, plus connu sous le nom de "El Chapo" (le trapu en espagnol), s'est ouvert la semaine passée à New York. Les plaidoiries doivent débuter mardi.

>> Lire aussi : Le procès du narcotrafiquant mexicain "El Chapo" s'ouvre à New York

"El Chapo est un mythe, un bouc émissaire qui sert à occulter le système qui l'a produit," tranche sur les ondes de la RTS Jean Rivelois, sociologue à l'Institut de recherches pour le développement (IRD) à Paris.

>> Ecouter l'analyse du sociologue sur le procès d'El Chapo :

Le narcotrafiquant "El Chapo" a été extradé du Mexique vers New York
"El Chapo n'est qu'un bouc émissaire" / La Matinale / 30 sec. / le 13 novembre 2018

Le pacte entre cartels et Etat

Pour le spécialiste des cartels mexicains, si El Chapo Guzman a tenu aussi longtemps comme baron de la drogue, c'est parce qu'il s'est plié à un pacte avec les autorités.

"L'Etat considère ces narcotrafiquants comme des entrepreneurs. Ils ont monté une affaire, emploient une main d'oeuvre importante, réalisent des bénéfices et doivent donc payer un impôt informel", explique Jean Rivelois dans l'émission Tout un Monde de La Première.

>> Ecouter l'explication de l'expert des cartels sur leur pacte avec les autorités :

La police mexicaine a dû intervenir à de multiples reprises ce week-end dans l'Etat du Sinaloa. [Ginnette Riquelme]Ginnette Riquelme
Le pacte entre Etat mexicain et cartels / La Matinale / 40 sec. / le 13 novembre 2018

Une guerre contre-productive

Seulement, en 2007, sous la pression nord-américaine, l'Etat mexicain rompt ce pacte en déclarant la guerre aux cartels, provoquant un cycle infernal de violences qui dure jusqu'à aujourd'hui, et dont la population est la principale victime, estime le sociologue.

>> Lire aussi : Sinistre record au Mexique avec plus de 25'000 homicides recensés en 2017

L'arrestation et l'extradition d'El Chapo aux Etats-Unis n'auront ainsi servi à rien, soutient le sociologue. "La violence continue à sévir au Mexique. Les cartels se sont diversifiés. En plus du trafic de drogue, ils font aussi dans l'extorsion, les enlèvements, le trafic d'armes et d'êtres humains."

Paradoxalement, l'emprisonnement des parrains a aussi eu pour effet de diviser les cartels, créant une "guerre supplémentaire, qui se superpose à celle entre militaires et narcotrafiquants."

>> Ecouter l'analyse de Jean Rivelois sur l'arrestation d'El Chapo :

Le baron de la drogue mexicain El Chapo. [AP/Keystone - U.S. Law Enforcement]AP/Keystone - U.S. Law Enforcement
"L'arrestation d'El Chapo n'a servi à rien" / La Matinale / 53 sec. / le 13 novembre 2018

Repactiser, pour sortir du cycle infernal

Mettre fin à la violence sera le principal défi du nouveau président mexicain, Andres Manuel Lopez Obrador, qui entrera en fonction le 1er décembre prochain.

Pour y parvenir, l'Etat n'aura d'autre choix que de repactiser avec les cartels, tout en s'imposant comme acteur dominant, estime Jean Rivelois. En plus d'une action militaire, les autorités devront notamment récupérer certaines régions où les services publics ont été laissés aux mains des cartels, érigeant les barons de la drogue en Robins des bois.

>> El Chapo lui-même est perçu comme étant un "grand serviteur du peuple". Ecouter pourquoi :

"El Chapo président", affiche un supporter du narcotrafiquant mexicain. [Keystone - Rebecca Blackwell]Keystone - Rebecca Blackwell
El Chapo perçu comme serviteur du peuple / La Matinale / 27 sec. / le 13 novembre 2018

Plusieurs manifestations réclament d'ailleurs la libération du baron de la drogue, dont le procès est censé durer plus de quatre mois.

Mouna Hussain

Propos recueillis par Cédric Guigon

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