"Il sait pourquoi"
Du côté de Tunis, la voix de la contestation dérange. El General Lebled, par exemple, un jeune homme de 22 ans qui a composé et mis en ligne un rap intitulé "président, ton peuple est mort " dans lequel il exhorte le chef de l'Etat tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali, à descendre dans la rue pour voir les jeunes au chômage et les gens qui ne trouvent pas de quoi se nourrir.
Arrêté dimanche par la police, son frère témoigne à l'agence Reuters: "Quand nous avons demandé pourquoi ils l'arrêtaient, ils ont répondu: 'Il sait pourquoi". Un signal du pouvoir tunisien pour signifier qu'il contrôle le jeu en utilisant de l'intimidation provoquée par les arrestations surprises et sans explications: "Personne ne savait pourquoi ces gens avaient été arrêtés, ni où ils se trouvaient" affirme Sofiene, membre du parti pirate tunisien que la RSR a joint via Skype à Tunis (écouter l’interview intégrale ci-contre).
Le web comme porte-voix
La nouvelle de l'arrestation d'El General, comme celle de trois autres militants blogueurs, a transité principalement par les réseaux sociaux Twitter et Facebook. Des moyens de communication très prisés par la jeunesse tunisienne qui contourne les blocages d'Internet mis en place par le pouvoir en utilisant des serveurs basés à l'étranger pour appeler à la mobilisation.
Sofiene confirme: "Facebook est hautement censuré, les pages diffusant des informations sur ce qui se passe aujourd'hui en Tunise sont bloquées. La population s'adapte très vite pour échapper à cette censure. Nous avons par exemple distribué des clés USB avec une distribution de Thor, un logiciel qui permet de contourner la censure et de crypter les connexions." D'après le site Assabilonline, une centaine de pages individuelles et des groupes hostiles au régime de Ben Ali auraient ainsi été désactivés.
Mais le régime doit jouer prudent: "Il y a deux ans, dit Sofiene, ils avaient entièrement bloqué Facebook. Les gens étaient très mécontents et ils ont dû rouvrir très vite. La situation devenait dangereuse pour la stabilité du gouvernement".
Reporters sans frontières (RSF) dénonce le sursaut de la censure en ligne et demande aux autorités tunisiennes de mettre un terme au filtrage de sites et aux intimidations contre les Net-citoyens et les blogueurs.
Magali Philip, Pierre Crevoisier, avec les agences /ad
Vidéos en ligne
Des dizaines de vidéos de manifestations qui ont lieu ces trois dernières semaines en Tunisie montrant les heurts entre des jeunes et la police sont postées sur le net. Il est difficile d'en confirmer l'authenticité, la source ou, à tout le moins, la date de tournage. Ces scènes filmées avec des téléphones portables sont mises en ligne par des internautes anonymes. Car l'anonymat est désormais de mise pour éviter la censure, la fermeture de comptes Internet, voire des arrestations. Ces dernières semaines, le pouvoir aurait piraté des pages et des comptes de Facebook pour les désactiver en s’emparant des mots de passe des utilisateurs. /mp