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Les mairies en faillite: reportage

Manifestation à Parla, ville de la banlieue sud de Madrid. Les syndicats protestent contre le licenciement de 66 employés. [Valérie Demon]
Manifestation à Parla, ville de la banlieue sud de Madrid. Les syndicats protestent contre le licenciement de 66 employés. - [Valérie Demon]
Plus de 21% de la population se trouve au chômage, la croissance espagnole est en berne. Les collectivités locales se retrouvent avec des dettes parfois insurmontables. Après l’argent qui coulait à flot pendant les années du boom immobilier, les mairies et les régions reviennent à une dure réalité et deviennent de mauvais payeurs. Le reportage de Valérie Demon à Parla, une ville de la banlieue sud de Madrid.

Ce n’est pas la première fois que les syndicats se mobilisent à Parla. Le soir du reportage, ils font beaucoup de bruit dans les petites rues du centre-ville. Direction: la mairie, cible de tous les ennuis. La municipalité n’a plus d’argent. Exemple le plus criant: elle a accumulé une dette de 80 millions d’euros avec une entreprise sous-traitante pour le ramassage des poubelles. La mairie a décidé de renvoyer 66 employés. Mais cela ne réglera pas tout les soucis. Pas ceux de Marta en tout cas, 35 ans, employée de mairie. Car depuis plusieurs mois, la municipalité paie en plusieurs fois les salaires et avec du retard.

Les collectivités accusées de mauvaise gestion

"Nous vivons mal, explique Marta, parce que les factures que nous devons payer, nous devons les régler tout de suite. Pour le crédit hypothécaire ou même la lumière si tu ne paies pas, on te fait payer des intérêts. Ma colère se dirige contre la mauvaise gestion du gouvernement, car il a trop dépensé l’argent quand il en avait."

Mauvaise gestion, folie des grandeurs durant les années de croissance, les explications sont multiples. Au Syndicat des Commissions Ouvrières, Jesús Fernandez Bejar, secrétaire général de la branche des activités diverses, raconte que les administrations publiques paient tardivement leurs factures. La moyenne en Espagne est de 178 jours de délai, contre une moyenne de 67 jours en Europe. D'où des situations parfois surprenantes: "Avec les difficultés qu’ont les entreprises pour se faire payer, elles sont presque contentes lorsqu’elles perdent un contrat… On trouve aussi des situations où les entreprises ont abandonné volontairement le service qu’elles réalisaient. Elles partaient, parce qu’elles ne pouvaient pas supporter la situation économique qui les étouffait".

Signer avec un organisme public, c'est risqué

Un patron d'une des entreprises de nettoyage, qui préfère rester anonyme, passe justement dans les locaux du syndicat. Ses conclusions sont sans appel: "Avoir un contrat avec un organisme public, avant c’était une satisfaction et une garantie de paiement. Maintenant c’est tout l’inverse, cela n’intéresse personne. Pour tout ce qui est nettoyage, on revient quarante ans en arrière, on revient aux petits clients qui paient à la fin du mois. Mon entreprise est saine économiquement. Il existe une loi sur les paiements qui fixe le délai à 60 jours… tout le monde doit la respecter!"

Ces retards de paiement étouffent littéralement les petites et moyennes entreprises et les artisans, qui sont pourtant ceux qui créent l’emploi en Espagne.

Valérie Demon/am

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