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Un roman pour décrire la maltraitance au sein d'une académie de police

L'éclairage d'actualité (vidéo) - Le roman "Rébecca, le pouvoir du silence" dresse le tableau sombre d'une académie de police
L'éclairage d'actualité (vidéo) - Le roman "Rébecca, le pouvoir du silence" dresse le tableau sombre d'une académie de police / La Matinale / 3 min. / le 5 avril 2019
"Rébecca, le pouvoir du silence", livre de fiction coécrit par une psychologue d'urgence et un analyste institutionnel, dénonce les maltraitances et dérives au sein d'une académie de police.

Insultes, humiliations, coups et blessures: roman inspiré de faits réels paru en mars dernier, "Rébecca, le pouvoir du silence" dresse le tableau sombre d'une académie de police, en racontant l'histoire d'une aspirante policière déterminée à briser l'omerta autour des dysfonctionnements de son école.

Si l'histoire se déroule en France, difficile de ne pas faire le lien avec l'Académie de police de Savatan, où sont formés les policiers genevois, vaudois et valaisans. L'ouvrage est en effet cosigné par Noa Henrique et Jonas Foulques, pseudonymes pour les Romands Noelia Miguel et Frédéric Maillard, respectivement psychologue d'urgence et analyste institutionnel.

Agir par le biais de la fiction

Les deux professionnels sont connus pour leurs critiques à l'encontre de cette académie de police. Depuis plusieurs années, ils recueillent des témoignages d'anciens aspirants, de policiers toujours en exercice et d'anciens employés, sur les dérives présumées de cette institution et de son personnel. Les témoignages recueillis ont déjà été remis à plusieurs autorités.

Alors pourquoi passer à une fiction basée sur les histoires de ces témoins? "Noelia Miguel n'a pas pu transmettre l'urgence de la situation", explique l'auteure Noa Henrique. "J'espère que Noa Henrique, elle, par le biais artistique d'un roman, réussira à laisser une trace."

Coups, insultes et misogynie

Le roman dépeint des faits qui font froid dans le dos, observés ou vécus par Rebecca, aspirante de police, personnage principal du roman. On y découvre des instructeurs misogynes et violents, qui frappent et insultent régulièrement les aspirants, à la limite du harcèlement. La direction de l'école, omnipotente et autoritaire, couvre son personnel, soucieuse de l'apparat et d'imposer un style militaire à la formation.

L'ouvrage montre aussi les tentatives d'une minorité de résister, de briser le silence, l'omerta. Mais le portrait général de cette académie est pour le moins sombre.

Mais même si tous les faits rapportés dans le roman sont réels, tous n'ont pas eu lieu à Savatan, affirment les deux auteurs, qui se défendent vigoureusement de vouloir cibler cette école. Pour Noa Henrique, le livre traite de problématiques plus générales.

"L'objectif est de comprendre que le silence peut faire beaucoup de dégâts. Et d'inviter les gens pris dans ces mécanismes institutionnels, quels qu'ils soient, à avoir le courage de signaler, d'en parler, de ne pas laisser passer ces choses-là", souligne-t-elle.

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Mécanismes sournois

L'esprit militaire et l'usage parfois disproportionné de la force sont des faits qui ont été reprochés à l'Académie de police Savatan. Les autorités cantonales responsables ont par ailleurs annoncé plusieurs changements. Depuis janvier dernier, une réorganisation est en cours: la formation mettra davantage l'accent sur les activités judiciaires, sur les compétences psychologiques des aspirants, ou encore sur la police de proximité. Les exercices physiques seront revus à la baisse. Si ces changements sont salués par les auteurs du livre, ils sont toutefois jugés insuffisants.

"Ce roman montre que les mécanismes sont beaucoup plus sournois. Ce ne sont pas quelques aménagements par-ci, par-là qui vont changer les mécanismes de maltraitance", estime Noa Henrique.

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Pour la conseillère d'Etat vaudoise Béatrice Métraux, actuelle présidente du comité directeur de Savatan, il est trop tôt pour émettre un jugement sur l'efficacité des mesures annoncés, qui sont toujours en phase de déploiement. Quant au livre, la magistrate se refuse à tout commentaire, s'agissant d'une oeuvre de fiction. L'éditeur genevois de "Rébecca" annonce déjà la publication de deux autres ouvrages: le journal intime d’une psychologue de police et un essai, qui devraient aborder les mêmes problématiques.

Marc Menichini/kkub

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