Le 5 octobre 1994, la stupeur et l'effroi frappent la Suisse romande. Peu avant l'aube, alors qu'elle est appelée pour l'incendie d'une ferme à Cheiry, petit village de la Broye fribourgeoise, la police découvre 23 corps à demi calcinés dans le sous-sol du bâtiment, réaménagé en crypte.
On compte parmi les victimes une majorité de Genevois, mais aussi des Canadiens et des Français. Ils portent des capes, blanches, rouges, dorées. Vingt corps sont criblés de balles, 12 ont la tête recouverte d'un sac. Des poches d'essences reliées à un système de mise à feu sont trouvées sur les lieux.
Quelques heures plus tard, à 160 kilomètres de Cheiry, le hameau des Granges de Salvan, en Valais, découvre une scène d'horreur comparable. Vingt-cinq autres cadavres sont mis au jour dans deux chalets, eux aussi à moitié réduits en cendres par des incendies vraisemblablement intentionnels.
Les victimes ont absorbé des médicaments dérivés du curare. Leurs corps n'affichent pas de signe de violence ou de lutte.
Cinq morts au Québec
Ces événements en Suisse romande font écho à une tout aussi macabre découverte au Canada. A quelques heures d'intervalle avec Cheiry et Salvan, la police québécoise intervient sur l'incendie de trois chalets à Morin Heights, un village situé à une centaine de kilomètres au nord de Montréal.
Les enquêteurs y trouvent dans un premier temps les corps calcinés d'un homme et d'une femme et concluent à un suicide, un système de mise à feu avec sacs d'essence ayant été retrouvé dans le chalet.
Mais le lendemain, les policiers ouvrent un placard et tombent sur trois autres cadavres, ceux d'un couple et de son bébé. Et cette fois, il paraît clair qu'on les a tués.
L'OTS comme dénominateur commun
L'enquête met vite un nom sur le dénominateur commun du carnage: la secte de l'Ordre du temple solaire (OTS). Un mouvement templier apocalyptique fondé à Genève, qui existait sous le radar depuis plusieurs années.
Les victimes de Cheiry, Salvan et Morin Heights en étaient toutes adeptes. Les chalets de Morin Heights sont la propriété de Luc Jouret et Joseph Di Mambro, les fondateurs et gourous de la secte, identifiés parmi les corps retrouvés à Salvan.
"Suicides et assassinats collectifs", dit l'enquête. Reste que si certains adeptes semblent s'être donné la mort en pleine conscience, la distinction entre ceux qui étaient consentants et ceux qui ne l'étaient pas ne peut être établie.
"L'extraordinaire qui surgit dans le quotidien"
Le journaliste Arnaud Bédat a longuement enquêté sur l'affaire. Pour lui, le drame de l'OTS, "c'est l'extraordinaire qui surgit dans notre quotidien".