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Les agriculteurs en quête de nouveaux moyens d'irrigation en Suisse

L’eau pourrait être pompée dans le lac de Neuchâtel, aux alentours de la commune d'Yvonand. [RTS]
Les agriculteurs cherchent de nouveaux moyens d’irriguer leurs cultures. / 19h30 / 2 min. / le 15 octobre 2019
Avec le changement climatique, les agriculteurs cherchent de nouveaux moyens d'irriguer leurs cultures. Un réseau est ainsi projeté pour acheminer l'eau depuis le lac de Neuchâtel vers les terres agricoles vaudoises.

L'année hydrologique 2018-2019 se termine chez MétéoSuisse sur un constat: les précipitations sont déficitaires partout en Suisse romande.

Durant les douze derniers mois (1er octobre 2018 - 30 septembre 2019), il est tombé 68% de la norme à Fribourg, 70% à Genève et à Bière (VD), 80% à Berne et 84% à Delémont, Sion et Neuchâtel. La pluie manque donc en Suisse romande, pour la troisième année consécutive.

Pour ne pas perdre de l'argent

Et les agriculteurs redoutent ces sécheresses de plus en plus durables et fréquentes. A Thierrens, dans le canton de Vaud, Sébastien Pasche cultive des endives. "L'an dernier, c'est un tiers de ma production qui est passée à la trappe car il n'y a pas eu de précipitations de juillet à novembre", explique-t-il mardi dans le 19h30. "On investit de gros montants dans ces cultures à l'hectare et on ne peut pas se permettre chaque année de perdre de l’argent."

Pour faire face à ce nouveau défi, plusieurs agriculteurs de la région d'Yvonand (VD) portent un grand projet d'irrigation. L’eau pourrait être pompée dans le lac de Neuchâtel, aux alentours de la commune d'Yvonand, pour être ensuite acheminée par des canalisations vers 450 hectares de terres agricoles. La zone concernée pourrait s'étendre jusqu’à 15 kilomètres au sud du lac de Neuchâtel, vers les communes vaudoises de Thierrens et Vuarrens.

Des besoins en eau "dérisoires"

Une étude préliminaire vient d'être bouclée. Selon Mandaterre, bureau d'études spécialisé dans les thématiques en lien avec l'agriculture et l'environnement et filiale de l'association Prométerre, les besoins de pompage dans le lac se situeraient entre 225'000 et 980'000 m3 par année.

"A titre de comparaison, l'évaporation de l'eau pendant la période estivale représente 200 millions de m3. Les besoins de ce projet sont dérisoires par rapport au volume que peut offrir le lac. Ce projet ne porte concurrence ni à d'autres usages, ni au milieu aquatique", précise Benjamin Sornay, ingénieur agronome chez Mandaterre.

Financement à trouver

Mais il n'en est encore qu'à ses prémisses. Les agriculteurs qui en sont à l'origine devront notamment réunir les fonds nécessaires, estimés entre 20 et 25 millions de francs. Ils assureront eux-mêmes une partie de l'investissement, mais ils recherchent également des synergies avec les autres consommateurs d’eau (entreprises, réseau d’eau potable…), ainsi qu'un soutien financier auprès des autorités.

La Confédération et les cantons de Vaud et de Fribourg ont par exemple déjà co-financés un réseau d’irrigation similaire autour de Vully-Portalban. "C'est important pour la pérennité de l'agriculture d'être soutenus dans ce genre de démarche, sinon on va abandonner certaines cultures trop périlleuses", argumente Sébastien Pasche.

Pro Natura appelle à la coordination

Ces projets d'irrigation se multiplient autour du lac de Neuchâtel (lire encadré). Pour les agriculteurs, il s'agit d'un réservoir plus fiable que les petits cours d’eau - où les interdictions de pompage sont fréquentes. Contactée mardi par la RTS, l'organisation de protection de la nature Pro Natura souhaite que ces projets soient menés de manière concertée.

Selon la secrétaire romande Sarah Pearson Perret, la coordination entre les différents sites de pompage est importante, "pour limiter au maximum l'impact éventuel de tous ces projets sur le niveau d’eau du lac, en regard des milieux humides d’importance internationale présents autour de cette zone".

Pascale Defrance/oang

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Multiplication des réseaux d’irrigation autour des lacs

L'irrigation autour d'Yvonand (VD) n'est qu'un exemple de projet autour des lacs romands. Certains réseaux existent depuis plusieurs d’années, d’autres sont en gestation.

Réseau existant: La Côte (VD)

Il existe un réseau l'irrigation sur la Côte vaudoise, qui permet d’acheminer l’eau du Léman vers les cultures agricoles, arboricoles, viticoles et maraîchères. Il est géré par le Syndicat d’arrosage de Nyon et environs. Le projet, lancé dans les années 1970, fonctionne depuis 1983. L'irrigation concerne 1600 hectares, sur 18 communes, avec 73 km de conduites. Il s'étend de Prangins en direction de La Rippe à l'ouest, de Luins à l'est et monte jusqu'à Givrins.

Réseau existant: Portalban-Vully (VD-FR)

Le réseau de Portalban-Vully est en exploitation depuis 2014. Il comprend 1740 hectares de périmètre irrigable, sur les cantons de Vaud et Fribourg. Il est géré par la société coopérative de pompage au lac à Portalban, constituée d’agriculteurs et de maraîchers. Le coût du projet, de 4 millions de francs, a été co-financé par les cantons de Vaud et de Fribourg ainsi que par la Confédération. L'eau du lac de Neuchâtel vient ainsi irriguer les communes de Delley-Portalban, Missy, St-Aubin, Vallon, Vully-les-Lacs, Gletterens ou Grandcour.

Réseau en projet: autour de Payerne (VD)

Les agriculteurs de Payerne, Corcelles-près-Payerne, Grandcour et Chevroux songent à construire un réseau d’irrigation pour se fournir en eau dans le lac de Neuchâtel au départ de Chevroux, plutôt que de pomper dans la Broye. Les études préliminaires ont été validées par le canton de Vaud et la Confédération. Une association entre agriculteurs devrait se créer l'hiver prochain. Le projet coûterait entre 17 et 20 millions de francs. Il pourrait voir le jour d’ici cinq ou six ans.