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Les sorcières sont de retour, devenues icônes féministes bien-aimées

Des femmes ont décidé de rendre justice aux sorcières en les réhabilitant. C'est le document du journal.
Des femmes ont décidé de rendre justice aux sorcières en les réhabilitant. C'est le document du journal. / 19h30 / 3 min. / le 3 novembre 2019
Elles se disent fières d'être sorcières. En Suisse romande et ailleurs, des femmes se réapproprient l'image de celles qu'on destinait au bûcher. Reportage chez ces nouvelles sorcières qui veulent rendre justice à leurs prédécesseures.

Chapeau noir sur la tête et faux ongles crochus aux doigts, des Genevoises se sont réunies jeudi dernier pour fêter Halloween à leur manière. Membres du collectif pour la grève féministe du 14 juin, elles ont enfilé leurs plus beaux déguisements de sorcières pour rendre hommage à celles qui ont été persécutées durant des siècles.

"Longtemps, toutes les femmes fortes, toutes celles qui luttaient contre le système en place, étaient renvoyées de leur ville ou leur village", raconte dans le 19h30 Noemi Blazquez, coordinatrice de la soirée. "Nous, nous reprenons l'histoire de ces femmes fortes et courageuses pour ne pas les oublier."

Car dans l'Europe de la Renaissance, des dizaines de milliers de personnes ont été exécutées pour sorcellerie, dont une très grande majorité de femmes, comme le raconte l'essayiste genevoise Mona Chollet dans son ouvrage "Sorcières, la puissance invaincue des femmes", paru l'an dernier. Des femmes indépendantes, des femmes sans enfant, des femmes âgées, des guérisseuses, bref des femmes qui ne correspondaient pas aux normes de l'époque.

En Suisse, cette chasse aux sorcières a été particulièrement longue et féroce. L'Alémanique Anna Göldi est considérée comme la dernière Européenne condamnée à mort pour sorcellerie. Elle a été décapitée en 1782 à Glaris, jugée à l'époque pour avoir empoisonné au moyen d'aiguilles magiques la fille de son patron. Une employée subversive aux pouvoirs magiques? Son biographe a depuis retrouvé la trace d'une plainte pour harcèlement sexuel de la domestique contre son employeur. Le Parlement cantonal a réhabilité la servante en 2008.

Les sorcières redécouvertes dans les années 1970

"Le terme de sorcière était très négatif lorsqu'on brûlait les sorcières, mais il a beaucoup évolué", confirme l'ethnologue Magali Jenny, liant ce changement au mouvement féministe. "Les femmes ont redécouvert ce pouvoir qu'elles ont à tous les échelons et se sont emparées de cette figure positive de la sorcière, belle, intelligente et pleine de connaissances."

Une prise de conscience féministe qui date déjà de la fin des années 1960. Aux Etats-Unis, le mouvement Women's International Terrorist Conspiracy from Hell (WITCH, soit "sorcière" en anglais) voit le jour en 1968 le soir de Halloween. Quelques années plus tard, une revue intitulée "Sorcières" est lancée en France. "Certaines figures de proue qui se définissent comme sorcières commencent alors à faire des réunions, des groupes de solidarité, mais aussi des rituels, se réunissant pour parler de sujets typiquement féminins, comme les menstruations et les naissances, et célébrer la nature", indique Magali Jenny.

"Une harmonie et un espace de sécurité qui se crée"

Des célébrations avec bougies, cartes de tarot et grimoires que l'on retrouve désormais sur les réseaux sociaux, sous de nombreux hashtags comme #MagicResistance ou #WitchesofInstagram. Mais aussi dans les rues, notamment aux Etats-Unis après l'élection de Donald Trump à la présidence.

Au-delà des revendications féministes, celles qui participent à des cercles de sorcières expliquent aussi qu'elles apprécient la non-mixité de ces réunions. "Nous savons dans ces moments-là que nous ne sommes pas jugées, que nous n'avons pas à être parfaites comme le demande la société", explique Noemi Blazquez. "Sans les hommes, les femmes sont encouragées à prendre la parole. Il y a une harmonie et un espace de sécurité qui se crée."

De quoi faire naître de nouveaux pouvoirs chez ces femmes? "Elles ont un superpouvoir: elles ont réussi à mobiliser plus de 500'000 personnes lors de la grève des femmes le 14 juin dernier dans tout le pays", répond Noemi Blazquez dans un sourire.

Reportage de Micaela Mumenthaler

Adaptation web de Tamara Muncanovic

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