C’est une nouvelle rassurante: le système de santé suisse a tenu le choc. Selon un sondage auprès des hôpitaux romands réalisé par la RTS, les établissements n’ont jamais atteint le maximum de leurs capacités. Avant la crise, la Suisse romande comptait environ 180 lits de soins intensifs. Ce nombre est passé à près de 450 au moment du pic, et jusqu'ici, il y a toujours eu une marge de manœuvre.
Entre les achats, la réquisition de matériel dévolu par exemple à l’anesthésie, ou encore les prêts de l’armée, l’offre en respirateurs a elle aussi été démultipliée. Par exemple, l’hôpital fribourgeois (HFR) disposait initialement de 14 respirateurs en soins intensifs, et a pu augmenter ce nombre à 74 équipements disponibles, y compris 43 venant de l’armée. Les autres établissements ont pu doubler, voire tripler leur offre.
Heures supplémentaires
Le personnel en revanche a été soumis à rude épreuve. L’Ensemble hospitalier de la Côte (Morges) totalise 27'000 heures supplémentaires. Et c’est 900 heures "sup" dans un "petit" hôpital comme celui du Jura bernois. Au plan individuel, chaque collaborateur à plein temps des services concernés par le Covid-19 a été planifié avec 10 à 25 heures supplémentaires mensuelles à l’hôpital Riviera-Chablais.
Aux HUG, 120 personnes ont été engagées en renfort, ainsi que quelque 80 militaires. Ce qui n’a pas non plus empêché les heures supplémentaires et les augmentations de temps de travail pour les temps partiels. "Une attention particulière a été donnée au respect des période de repos et une latitude a été accordée aux hiérarchies afin d’attribuer lorsque nécessaire des jours de repos supplémentaires", tient à souligner le service médias des HUG.
Nombreux services à l'arrêt
Paradoxe de la situation, l’arrêt des opérations non urgentes décrété par le Conseil fédéral a provoqué une chute drastique d’activité dans de nombreux services hospitaliers. "Nous estimons à 40% au moins la baisse globale de notre activité et c’est la raison pour laquelle la possibilité du chômage partiel a été envisagée et a fait l’objet d’une demande auprès du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO)", indique Joakim Faiss, chargé de communication de l’hôpital du Valais, qui est toujours dans l’attente d’une réponse.
Laurent Dufour
Un gouffre financier
Financièrement, le coronavirus est une très mauvaise opération pour les hôpitaux. Avec l’annulation des opérations non-urgentes, la diminution de l’activité ambulatoire et la faible fréquentation des urgences hors Covid-19, le manque à gagner est énorme. A cela s’ajoute des achats de matériel à des tarifs qui ont explosé (masques, gants, surblouses, etc.) et des coûteux réaménagements de locaux.
Certains hôpitaux ont déjà esquissé leurs pertes: le CHUV les estime à 55 millions si l’activité se normalise dès mai, mais jusqu’à 100 millions dans le pire des cas. Les HUG parlent de 45 millions jusqu’à fin juin, le GHOL (Nyon) de 9 millions. L’hôpital Riviera-Chablais articule 20 à 25 millions, l’eHNV (Nord-Vaudois) 20 millions, l’EHC (Morges) 7 à 10 millions. Entre mars et avril, l’ardoise se monte déjà à 5 millions à l’hôpital de la Broye (HIB), et à 6,4 millions à l’hôpital du Jura, soit un manque à gagner de 25 à 30% par rapport aux années précédentes.
Les cantons appelés à l'aide
Hormis les demandes de chômage partiel, les hôpitaux se tournent vers les cantons et la Confédération pour trouver une solution. A ce jour, seuls les cantons de Berne et des Grisons ont annoncé qu’ils soutiendraient financièrement leurs hôpitaux. Pour le directeur de l’hôpital intercantonal de la Broye Stephan Hänsenberger, l’argent existe pourtant. Selon lui, ce sont 8 milliards de francs qui ne seront pas dépensés par les cantons et par les caisses maladie. Cela s’explique par la diminution d’activité "ordinaire" des hôpitaux, qui excède largement le surcroît d’activité liée à la crise du Covid-19.