Chaque virus a son terrain de prédilection pour sévir. Celui du Covid-19 est plutôt un virus des villes (ndlr: contrairement à ce que l'on avait écrit, le paludisme n'est pas un virus, mais une infection parasitaire). Il se propage grâce à la promiscuité et la multiplication des contacts sociaux. La ville en soi n'est pas en cause. Ce n'est pas sa construction qui favorise la prolifération du virus, mais bien les comportements humains.
Peu de données existent sur la prévalence réelle du virus en ville. Le journal britannique Financial Times a compilé des données durant la première vague. New York a totalisé 23% des morts des Etats-Unis, alors qu'elle compte pour 2,5% de la population du pays. A Londres, c'est aussi 23% des morts pour une ville qui abrite 13% des habitants du Royaume-Uni. Enfin Madrid, où vivent 14% des Espagnols, a compté 32% des morts du pays.
Inégalité selon les quartiers
En Suisse, il existe des données sur les infections par canton, mais très peu d'études par commune ou par quartier. En novembre, Genève a détenu le record absolu de contaminations sur 14 jours, toutefois juste devant deux cantons beaucoup moins urbanisés: le Valais et Fribourg.
Une nouvelle étude menée à Genève montre par ailleurs que le risque de contagion est plus marqué dans les zones d'habitation les moins favorisées. "Dans les quartiers plus précaires, les clusters (foyers d'infection) vont persister beaucoup plus longtemps, tandis que dans les zones plus aisées, ils tendent à disparaître beaucoup plus rapidement après une flambée", explique le coauteur de l'étude David de Ridder, doctorant à l'Université de Genève.
Ainsi, après deux mois d'observation durant la première vague, 85% de ces foyers d'infection étaient toujours actifs dans les quartiers les plus précaires. Dans d'autres zones du centre-ville moins défavorisées, 70% d'entre eux étaient encore actifs, contre seulement 30% dans les zones les mieux loties.
Cette différence s'explique notamment par la densité plus élevée de la population dans les immeubles des quartiers les moins favorisés et la promiscuité dans les appartements.
Effets sociaux dans les villes suisses
Au-delà des données épidémiologiques, le Covid-19 a un impact par ses effets sociaux. Les villes sont-elles plus touchées que les périphéries? Difficile à dire.
Dans le canton de Vaud, ce n'est pas le Grand Lausanne et les centres urbains qui ont subi l'augmentation la plus forte du nombre de dossiers de revenu d'insertion. Lausanne a vu son nombre augmenter de 1,2%, bien en-dessous de l'Est lausannois (+5,1%) et Bex (+4,3%). Le taux global d'aide sociale reste stable.
L'aide sociale n'est toutefois pas le seul indicateur de la précarité. Le CSP et Caritas ont lancé un programme d'aide d'urgence pour les personnes qui passent entre les mailles du filet étatique (pour des aides ponctuelles pour la nourriture, le loyer, ou des frais médicaux): 80% des aides vaudoises ont, elles, été distribuées dans le Grand Lausanne. C'est en effet en ville que se concentrent une grande partie des travailleurs précarisés de l'économie domestique, des étudiants privés de leurs petits jobs, ou encore des artistes touchés par l'arrêt de la vie culturelle.
Les traces urbaines du Covid
La pandémie est aussi l'occasion pour les villes de se réinventer. A Lausanne, Genève, ou dans des métropoles du monde entier, des pistes cyclables ont été développées dans l'urgence pour être en partie pérennisées. A Paris, des trottoirs sont élargis pour garantir la distance sociale. En architecture, des réflexions commencent sur les espaces privatifs favorisant le télétravail. Et des solidarités nouvelles se développent dans les quartiers.
Les grandes épidémies du passé, le choléra, la fièvre jaune, la tuberculose, ont transformé les villes. Le Covid-19 lui aussi laissera sans doute des traces.