"Ces jours-ci, la Grande Cariçaie ressemble à un lac parsemé de tiges de roseaux. On y va en canoë ou avec des bottes qui nous arrivent à hauteur du poitrail", raconte à Keystone-ATS Antoine Gander, biologiste à l'Association de la Grande Cariçaie.
Difficile, à ce stade, d'évaluer les conséquences de la crue. Dans le plus grand marais de Suisse, les espèces végétales semblent adaptées à ce type de phénomène. La crue 2021 représente pour elles plus un modulateur de leur distribution qu'une menace de disparition.
Insectes touchés
La situation est plus contrastée pour la faune. Les premières observations montrent une diminution drastique du nombre de libellules et d'orthoptères (sauterelles et grillons). La Déesse précieuse, petite libellule rare, a quasiment disparu de la zone très localisée qu'elle fréquentait. Seuls quelques oeufs perdurent.
Autre victime présumée: l'hélice luisante, un petit escargot qui vit à la surface du sol, sous des mousses et qui est une espèce rare en Europe. "Il ne supporte pas les inondations. Au début, il a tenté de se réfugier sur des tiges", relate Antoine Gander. Avant d'être noyé.
Moins d'oiseaux
Les effectifs d'oiseaux ont subi une forte diminution. "Les nettes rousses, les bruants des roseaux, les rousserolles effarvattes, les grèbes huppés ont fui là où ils trouvaient plus de nourriture. Où? Ils peuvent aller loin, jusqu'à une centaine de kilomètres, mais plus probablement dans les étangs des alentours", avance Christophe Sahli, ornithologue au sein de l'association.
Certaines couvées sont touchées. Les canards qui construisent leurs nids au sol ont souvent perdu leurs oeufs. "Heureusement, les passereaux des marais avaient déjà effectué leur première nichée", a ajouté le spécialiste.
Il n'y aura vraisemblablement pas d'oisillons cette année pour le héron pourpré, un oiseau particulièrement rare en Suisse, qui a vu ses nids inondés. Entre cinq et dix couples vivent dans la réserve.
Biologistes confiants
Les biologistes espèrent que les oiseaux qui se sont déplacés reviendront sur le site d'ici l'année prochaine et que les insectes recoloniseront les zones inondées. "La crue de mai 2015, certes moins élevée de 30 à 40 centimètres, n'avait pas porté préjudice aux populations des espèces prioritaires", se souvient Antoine Gander.
"La nature a une très bonne résilience. Je crois à son pouvoir de régénération. Cela peut même être bénéfique et accélérer la dispersion de certaines espèces dans d'autres endroits", ajoute-t-il. "La nature arrive très bien à s'adapter à ce genre de situation extraordinaire".
ats/nr