Ce document signé mercredi à Moutier doit encadrer les négociations en vue du changement d'appartenance cantonale de la ville, et confirme la volonté de mettre un terme à la "Question jurassienne" au plus vite.
Ainsi, le délai de 2026 est jugé trop éloigné par le Parlement jurassien et par les autorités prévôtoises, qui estiment que le transfert doit être achevé en 2024 déjà. "On n'a aucune envie de faire traîner ce dossier", confirme également le conseiller d'Etat bernois Pierre Alain Schnegg.
Collaborer sereinement
Pour la présidente du Gouvernement jurassien Nathalie Barthoulot, la signature de cette feuille de route lance le début de la phase du transfert de Moutier. Geste symbolique fort, le Jura a accepté de retirer de sa Constitution les articles 138 et 139 qui autorisaient l'accueil en son sein de nouvelles communes.
Les cantons de Berne et du Jura s'engagent à collaborer dans un climat serein et feront tout pour aplanir d'éventuelles difficultés. Les deux gouvernements ont d'ailleurs partagé un repas ce mercredi, un événement qui n'était plus arrivé depuis treize ans.
La feuille de route prévoit toutefois que chaque canton puisse demander à l'Office fédéral de la justice (OFJ) d'intervenir au besoin comme médiateur.
Articles symboliques retirés de la Constitution
Point fondamental de l'accord signé mercredi, il règle la question très délicate des articles 138 et 139 de la Constitution jurassienne, qui faisaient partie de l'ADN du texte et que les autorités bernoises ont dénoncé à plusieurs reprises.
L'article 138, qui n'a jamais été reconnu par la Confédération, stipule que le canton du Jura peut accueillir toute ou partie des sept districts historiques du territoire jurassien concernés par le scrutin du 23 juin 1974. Selon la feuille de route, il sera transformé en note de bas de page. L'article 139, ajouté plus tard à la Constitution, sera totalement abrogé.
Ces deux articles avaient un fort caractère symbolique et historique pour les militants autonomistes. Il s'agit donc d'une grande concession du camp jurassien au canton de Berne. Pour Nathalie Barthoulot, cet article n'a plus de raison de demeurer dans la Constitution jurassienne.
Il reviendra toutefois au Parlement jurassien puis au peuple de se prononcer sur l'abrogation de l'article 139, qui a servi de base pour l'organisation du scrutin de 2013 sur l'étude visant la création d'un canton formé du Jura et du Jura bernois. Il sera soumis au corps électoral en même temps que le concordat intercantonal.
jop avec ats et Cédric Adrover
De nombreuses étapes
Car ce changement de canton se fera au terme d'un processus bien défini qui va nécessiter plusieurs votations. Les gouvernements bernois et jurassien négocient le concordat intercantonal fixant les modalités, qu'ils soumettront pour approbation à leurs organes législatifs, soit le Parlement jurassien et le Grand Conseil bernois.
Le document passera ensuite en votation populaire dans les deux cantons. Une fois toutes ces étapes franchies, il appartiendra aux Chambres fédérales de se prononcer sur un arrêté validant cette modification territoriale.
L'arrêté fédéral est soumis au référendum facultatif. L'ensemble de la population suisse ne sera donc pas automatiquement appelée aux urnes. Ultime étape, le Conseil fédéral devra constater la validité de l'arrêté.
Le 28 mars 2021, une majorité de la population de la ville bernoise de Moutier a voté pour rejoindre le canton du Jura. Mais si une seule étape de la longue procédure à venir devait être refusée, le transfert serait remis en question.
Deux négociateurs pour mener à bien les transactions
Les négociations sur le partage des biens entre les deux cantons constitueront une part importante des étapes à suivre dans ce transfert. La question du rachat des bâtiments bernois par le Jura, et de leur prix, sera notamment tranchée. Chaque canton a nommé un négociateur sur la question.
Côté bernois, il s'agit de Mario Annoni, ancien conseiller d'Etat bernois (Parti radical) entre 1990 et 2006, originaire de la Vallée de Tavannes, et qui connaît donc par coeur la Question jurassienne. Face à lui, un autre Jurassien bernois, Patrick Tanner, maire de St-Imier (BE) depuis 2015 et instigateur du festival Mont-Soleil, choisi par le camp jurassien notamment pour sa bonne connaissance des partenaires et du cadre bernois.
Si tous deux concèdent que la tâche ne sera pas simple après un vote de Moutier sous haute tension, Patrick Tanner dit vouloir "dépassionner" et "dépolitiser" la question, afin qu'elle se règle dans la sérénité.