Le 29 septembre dernier, l'équipe de vaccination mobile du canton de Neuchâtel est montée à La Côte-aux-Fées. Un gros dispositif qui incluait également une séance d’information à la population.
"Nous avions prévu une centaine de doses, explique Laurent Kaufmann, médecin cantonal adjoint. Or nous n'avons réalisé que 11 injections. C’est ce qu’on appelle un flop. Nous réalisons après coup l’importance de pouvoir nous appuyer sur les autorités locales pour ce genre de campagne. Et à La Côte-aux-Fées, elles se sont montrées passives".
Laurent Piaget, le président de commune neuchâteloise, assume. Lui-même n'est pas vacciné. "Ce n'est pas à moi d’aller dire à la population ce qu'elle doit faire, dans un sens ou dans l'autre, déclare-t-il. J'ai bien évidemment accueilli la délégation du médecin cantonal comme il se doit, mais je ne suis pas resté dans la salle lors de la séance d'information."
Le pass sanitaire n’est pas une incitation
A La Côte-aux-Fées, seuls 31% des habitants sont doublement vaccinés et 40% ont reçu au moins une dose. Le caractère très rural de la commune de 450 habitants expliquerait en partie ce faible taux, selon Yvan Perrin, ancien conseiller national UDC et natif des lieux.
"Nous sommes aussi une commune très conservatrice dans ses votes et farouchement indépendante puisque nous avons refusé la fusion avec les autres villages du Val de Travers, détaille-t-il. Et puis ici il n'y a pas de cinéma, de théâtre ou de fitness, alors le sésame que constitue le pass sanitaire n’est pas franchement incitatif. Vous savez, si on vous prive de dessert alors que vous ne comptiez pas en prendre, vous ne vous sentez pas puni."
Une poche de résistance vaudoise
Dans le canton de Vaud, plusieurs communes allant d’Orbe à Vallorbe affichent aussi de faibles taux de vaccination. Notamment les villages du Vallon du Nozon. A Bretonnières, seuls 126 des 267 habitants sont vaccinés, soit 47%. Là aussi, l'homme qui veille aux destinées de la commune n'est pas vacciné. "Je ne vois pas en quoi je devrais servir d’exemple, confie Pierre-Daniel Collomb, le syndic. J'ai des doutes par rapport à la rapidité avec laquelle ces vaccins ont été développés."
Un signe ne trompe pas à Bretonnières: cette grande tente dressée sur la terrasse de l'auberge communale. "Nous l'avons installée pour pouvoir accueillir tout le monde, vaccinés et non vaccinés", explique Thierry Brio, le directeur des lieux. Lui-même enfant du pays, il a son explication sur le faible taux de vaccination de la région: "Nous avons tout à proximité ici et nous n'avons que rarement besoin de descendre sur Lausanne." Dans la foulée, un client abonde: "Nous avons connu une période de confinement très sereine ici à Bretonnières. Loin de l'agitation urbaine, nous nous sentons sans doute moins anxieux par rapport à cette maladie et sommes donc probablement moins enclins à nous vacciner."
Seuls trois cantons romands communiquent les données par commune, Vaud, Neuchâtel, et Genève (carte-ci-dessous). Des statistiques qui requièrent une certaine précaution dans leur interprétation puisque plusieurs biais sont possibles: les adresses laissées par les gens qui se font vacciner ne sont pas vérifiées, la présence d’un ou plusieurs EMS dans la commune peut faire grimper "artificiellement" la statistique, tout comme le nombre d'enfants de moins de 12 ans peut la faire baisser alors qu'ils ne sont pas éligibles au vaccin. Et pour rappel, 61,52% des personnes ont déjà reçu deux doses en Suisse, selon les derniers chiffres de l'OFSP.
François Roulet
Cartes: Valentin Tombez