Sur le massif des Diablerets, les glaciers de Tsanfleuron et du Scex Rouge sont désormais séparés
Situé à 2816 mètres d'altitude entre les cantons de Vaud et du Valais, le col de Tsanfleuron était recouvert de glace depuis au moins 2000 ans. Le 11 août, la société d'exploitation de remontées mécaniques Glacier 3000 avait annoncé qu'il était en train de refaire surface et que les glaciers allaient se détacher l'un de l'autre. "L'été 2022, qui a suivi un hiver avare en précipitations, est en effet catastrophique", note le communiqué.
C'est désormais chose faite, a constaté ce week-end le glaciologue Mauro Fischer. "Je ne peux pas vous dire quand exactement la séparation s'est produite", a-t-il précisé. Maître-assistant à l'Institut de géographie de l'Université de Berne, il étudie la zone depuis dix ans sur manda
t de Glamos, le réseau suisse des relevés glaciologiques.
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"La perte d'épaisseur des glaciers dans la région des Diablerets sera en moyenne trois fois supérieure cette année en comparaison avec les 10 derniers étés", calcule l'expert.
La fonte des glaciers dans les Alpes est étroitement surveillée depuis le début des années 2000. Mais les chercheurs ne savaient pas grand-chose sur leur évolution au cours des décennies précédentes, car seuls quelques glaciers étaient suivis de près. Désormais, ils fondent à un rythme de plus en plus rapide.
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Un processus irréversible
Pour l'heure, seule une bande de terre large de quelques mètres est apparue entre les deux glaciers. Mais l'écart va se creuser. "Le terrain sombre constitué de schistes marneux va absorber plus de rayonnement solaire et réchauffer davantage le col, ce qui va accélérer la vitesse de la fonte à la frontière des deux glaciers", explique le scientifique. De plus, comme il s'agit d'un col, le terrain descend des deux côtés, ce qui n'arrange rien.
La jonction entre les deux glaciers ne va pas se reformer. Le col va bien être recouvert de neige cet hiver, mais pour que de la glace se forme, il faut que les flocons survivent durant plusieurs saisons estivales, ce que Mauro Fischer juge improbable. "Ce que l'on voit à l'oeuvre sur ce col, ce sont des processus irréversibles, du moins à l'échelle d'une vie."
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A terme, ce sont même les deux glaciers dans leur totalité qui sont condamnés. "Avec le changement climatique et la hausse des températures, la limite de neige à la fin de chaque été est maintenant quasiment chaque année au-dessus du point le plus haut des deux glaciers. Cela veut dire qu'ils n'ont souvent plus du tout de zone d'accumulation."
Le glaciologue estime que le glacier du Scex Rouge va disparaître d'ici 2035 et celui de Tsanfleuron d'ici 2060. Il se dit "surpris" et "touché" par la rapidité avec laquelle la glace fond.
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Les conséquences de la perte des deux glaciers ne seront pas significatives sur le débit des cours d'eau qu'ils alimentent, car ce sont surtout les grands glaciers qui jouent un rôle, indique Mauro Fischer. Leur déclin ne risque a priori pas non plus d'engendrer de catastrophes dangereuses de type glissements de terrain, car leur topographie est en plateau. "L'impact se fera surtout au niveau de la modification du paysage."
jop avec agences