Neuchâtel, Monthey ou La Chaux-de-Fonds, en passant par Genève, Montreux, Lausanne ou Ecuvillens: les revues de fin d'année sont partout en Suisse romande. Ces spectacles triturent l'actualité pour la tourner en dérision, avec beaucoup de tendresse, mais aussi des pointes d'acidité. Mais comment sont choisis les faits d'actualité qui finissent dans les spectacles?
Pour l'humoriste Jean-Luc Barbezat, le premier critère est que le sujet doit avoir été traité par les médias: "Même si on a des scoops, ce n'est pas dans la revue que l'on peut les révéler [...] On doit éviter les faits divers, on doit prendre des sujets qui ont marqué l'année et qui continuent de la marquer", explique-t-il au micro de Médialogues.
Même si on a des scoops, ce n'est pas dans la revue que l'on peut les révéler
"Par exemple les travaux de la gare de Lausanne: on avait imaginé que ce serait un sujet qui toucherait les Lausannois. Mais à une semaine de la première, Nuria Gorrite fait une intervention auprès du Conseil fédéral, c'est relayé par les médias, et ça donne un petit coup de boost au sketch. On est en plein dans l'actualité. C'est là qu'on a vu qu'on avait choisi le bon sujet", illustre-t-il.
Références communes
Pour que le public puisse comprendre les sketchs, les humoristes doivent se baser sur des références communes à toutes et tous. Un exercice dont l'imitateur Yann Lambiel a l'habitude: "Prenons Alain Berset. Avant le Covid, je n'imitais que Christian Levrat - le président du Parti socialiste à l'époque. Alain Berset n'était tellement pas connu que je faisais Levrat qui parlait en son nom, car personne ne le connaissait."
"Puis le Covid est arrivé, et Alain Berset, avec ses conférence de presse, est devenu une référence commune. J'ai donc dû me mettre à imiter Berset et oublier Levrat, qui est maintenant à La Poste (dont il est le président du conseil d'administration, ndlr)."
Faire rire plutôt que passer un message
Les revues ne sont parfois pas tendres avec les personnalités politiques. Jean-Luc Barbezat précise toutefois qu'il n'a pas pour intention de faire passer un message. "Ce qui nous intéresse, c'est de transformer l'actualité d'une façon drôle. Quand on fait la revue, on n'a pas un propos politique, mais on essaie de trouver un angle qui va faire rire, sans être clivant."
"On n'est pas une tribune politique, et on a tous des idées différentes. Et parfois, l'angle drôle est à l'inverse de nos idées. On est un peu comme les conseillers fédéraux, qui doivent parfois défendre des idées qui ne sont pas les leurs", rigole le Neuchâtelois.
Pousser l'écriture plus loin
La Revue vaudoise aborde aussi des thèmes plus sensibles, comme le militantisme ou l'appropriation culturelle. Face au caractère explosif de ces sujets, Yann Lambiel assure ne pas s'auto-censurer, mais admet être davantage attentif. "On a beaucoup réfléchi, peut-être plus que d'habitude, par exemple pour tout ce qui est sexisme. Et c'est génial, ce sont des réflexions qu'on n'avait pas avant".
Mon but est que chacun prenne ce qu'il veut dans ce que je dis, pas que je dise ce qu'il faut penser
Le Valaisan poursuit: "On a beaucoup réfléchi à ce qui pourrait blesser, ce qui pourrait être mal pris, pour que ça reste drôle. Notre but est que les gens s'amusent, notamment par les temps qui courent. Le but n'est pas cliver ou d'embêter. C'est clair que ce sont des sujets qui sont délicats, mais je crois qu'on a réussi à faire en sorte que ça reste drôle. Mon but est que chacun prenne ce qu'il veut dans ce que je dis, pas que je dise ce qu'il faut penser."
Jean-Luc Barbezat renchérit: "Ça nous pousse à aller plus loin dans l'écriture. Sans ces barrières, on aurait peut-être traité différemment Nuria Gorrite et Christelle Luisier, par exemple. Ces 'petites pressions' nous ont poussés à écrire un sketch plus drôle, plus chaleureux et plus inventif que si on les avait mises en mini-jupes en train de se saoûler au bar."
Propos recueillis par Antoine Droux
Adaptation web: Antoine Schaub