Cette mobilisation du secteur de la construction a pour toile de fond le renouvellement de la convention nationale de travail (CN) qui arrive à échéance en fin d'année. Malgré six rondes de négociations, les partenaires sociaux n'ont toujours pas réussi à s'entendre. Un échec déboucherait sur un vide conventionnel.
Les maçons dénoncent la volonté des patrons de vouloir flexibiliser à outrance les horaires de travail, avec des journées à rallonges durant l'été et un désoeuvrement marqué lors des mois d'hiver. "Ce serait le retour de l'époque des saisonniers, 50 ans en arrière", a déploré José Sebastiao, secrétaire syndical chez Unia.
Interrogée dans le 19h30, Vania Alleva, présidente du syndicat Unia, a rappelé que les négociations avaient commencé en février. "Après avoir fait traîner les discussions, les patrons sont venus après l'été avec des positions absolument inacceptables, 58 heures de travail par semaine, 12 heures par jour, c'est contre la loi sur le travail".
Un mouvement national
A Genève, environ 2000 travailleurs, selon les syndicats, sont descendus dans la rue. Les grévistes se sont arrêtés près d'une heure au milieu du pont du Mont-Blanc, où les discours des différents orateurs se sont tenus. Thierry Horner, du syndicat SIT, a dénoncé l'intention de la Société suisse des entrepreneurs (SSE) de vouloir introduire le salaire au mérite, en plus d'une flexibilisation accrue du travail. "C'est une façon de diviser les travailleurs". Il a relevé aussi que sur les chantiers, les décès se multipliaient, avec un mort toutes les deux semaines.
Le représentant d'Unia a rappelé que le mouvement de grève des maçons touchait toute la Suisse romande. Lundi, la protestation est décentralisée. Mardi, elle se concentrera à Lausanne, avec un grand défilé. "Demain, nous ferons trembler les ponts vaudois", a averti José Sebastiao. Les maçons romands seront relayés le 11 novembre par leurs collègues zurichois. Des actions similaires ont déjà été menées au Tessin et dans la région de Bâle.
La CN du secteur principal de la construction couvre quelque 80'000 travailleurs. Mi-octobre, 20'000 maçons de toute la Suisse avaient voté pour ces différentes journées de protestation.
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Flexibilisation jugée nécessaire
La Société suisse des entrepreneurs (SSE) souhaite notamment une meilleure flexibilisation du temps, ce que dénoncent les syndicats. Ceux-ci estiment que cette nouvelle CN déboucherait sur des journées allant jusqu'à douze heures et des semaines de 58 heures de travail.
Ils affirment aussi que la SSE cherche à faciliter les licenciements des travailleurs âgés et à pouvoir baisser les salaires.
De son côté, la SSE répond qu'il ne s'agit "nullement d'augmenter le nombre d'heures de travail annuelles ou hebdomadaires par rapport à aujourd'hui", écrit-elle dans un communiqué publié fin octobre. Elle souligne "l'énorme potentiel" d'une planification plus flexible du temps de travail, afin notamment de répondre "aux attentes de la jeune génération".
Cette flexibilisation doit aussi permettre, selon elle, de mieux adapter le temps de travail aux employés plus âgés, et donc de les retenir dans une branche qui souffre d'une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée.
Mécontentement du patronat
La SSE a déjà exprimé plusieurs fois son "mécontentement" au sujet de ces manifestations syndicales dans tout le pays. Elles constituent, selon elle, "des violations de la paix absolue du travail convenue par les partenaires sociaux."
La tension est particulièrement vive à Genève, où la SSE a porté plainte le 24 octobre contre les branches genevoises des syndicats Unia, Syna et SIT. Elle a toutefois été recalée à la fin du mois dernier par la Chambre des relations collectives de travail du canton de Genève (CRCT).
Toujours à Genève, les syndicats ont dénoncé jeudi dernier "une campagne de désinformation et de dénigrement" menée par les patrons du canton, qui feraient régner un climat de peur sur les chantiers.
ats/cab