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En Suisse aussi, manger un poisson d'eau douce revient à boire de l'eau polluée pendant un mois

Préparation d'un filet de poisson dans un restaurant suisse en 2009. [Keystone - Gaetan Bally]
En Suisse aussi, manger un poisson revient à boire de l'eau polluée pendant un mois / La Matinale / 1 min. / le 18 janvier 2023
Consommer un poisson d'eau douce pêché dans les lacs et rivières américains revient à boire durant un mois de l'eau contaminée avec des polluants dits "éternels", les PFAS, selon une étude. En Suisse aussi, les taux de contamination sont similaires.

Le taux médian de contamination était de 9,5 microgrammes par kilo, selon une étude publiée dans Environmental Research. Sur l'ensemble des échantillons contaminés, trois quarts étaient des PFOS, un des contaminants les plus courants et les plus nocifs parmi les milliers qui constituent les PFAS.

Manger un poisson d'eau douce revient à boire pendant un mois de l'eau contaminée à hauteur de 48 parties de PFOS par milliard de milliards. L'eau est considérée saine à boire si elle ne contient pas plus de 0,2 partie de PFOS par milliard de milliards, selon l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA), dans sa nouvelle recommandation.

Les taux de PFAS constatés dans les poissons d'eau douce pêchés dans la nature se sont avérés 278 fois plus élevés que ceux identifiés dans les poissons d'élevage vendus dans le commerce. "Je ne peux plus regarder un poisson sans penser à sa contamination aux PFAS", a dit à l'AFP David Andrews, scientifique de l'ONG Environmental Working Group, qui a mené l'étude, et grandi en péchant et mangeant du poisson sauvage.

La Suisse aussi concernée

Les lacs et les rivières suisses ne sont pas épargnés, en Valais notamment, où cinq sites très contaminés ont été identifiés l'automne dernier par les autorités. Les PFAS en question venaient de mousses anti-incendie, utilisées surtout dans des sites industriels, par exemple sur le site de l'ancienne raffinerie de Collombey (VS).

Ces substances sont très mobiles et très persistantes, comme l'explique Yves Degoumois, chef de la section sites pollués, sols et eaux souterraines au Service valaisan de l’environnement. "En plaine du Rhône, nous avons une nappe phréatique qui est très proche. Ces polluants sont fortement mobiles, ils sont lessivés par les eaux qui s'infiltrent dans le sous-sol et sont emportés dans la nappe", explique-t-il dans La Matinale.

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"On retrouve ces substances dans les autres surfaces. Elles se retrouvent aussi dans les poissons avec un facteur d'accumulation qui est très fort, donc on a des concentrations beaucoup plus élevées dans les poissons que dans les eaux", précise Yves Degoumois.

Le taux dans les lacs et les rivières est aussi plus élevé que dans les piscicultures. On y trouve tout de même la trace de ces polluants persistants, via l’eau de pluie.

Le Valais n'est pas un cas isolé en Suisse, mais cet exemple montre la difficulté de traiter les PFAS. Sur les sites pollués, ils sont confinés et les eaux sont traitées. Mais en aval du site, il est impossible d'intervenir, à part en surveillant l’eau potable et les poissons.

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Présents dans les objets du quotidien

Les perfluorés (PFC) et polyfluoroalkylés (PFAS), développés dans les années 1940, sont une famille de composés chimiques de synthèse regroupant plus de 4700 molécules soupçonnées pour certaines d'avoir un impact néfaste sur la santé. Elles doivent leur surnom à leur cycle de vie très long.

Dotées de propriétés anti-adhésives, imperméables et résistantes à la chaleur, ces substances sont présentes dans plusieurs domaines industriels et des objets de la vie courante: produits en téflon, emballages alimentaires, certains textiles...

Mais le caractère indestructible de ces PFAS, les per- et polyfluoroalkylées, implique qu'ils se soient accumulés avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des lacs et rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain.

Les appels se sont multipliés pour une réglementation plus stricte de l'utilisation des PFAS, qui sont nocifs pour la santé, avec des conséquences hépatiques, un taux de cholestérol élevé, une réponse immunitaire réduite et plusieurs sortes de cancers. Les chercheurs ont voulu mesurer la contamination des poissons d'eau douce en analysant 500 échantillons prélevés dans les lacs et rivières américains entre 2013 et 2015.

Sujet radio: Alexandra Richard

Adaptation web: jfe

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"Probablement la plus grande menace chimique pour l'espèce humaine"

Le constat est "particulièrement préoccupant à cause de l'impact subi par les communautés défavorisées qui consomment du poisson comme source de protéine ou pour des raisons socio-culturelles", indique David Andrews, scientifique de l'ONG Environmental Working Group. "Cette recherche me met très en colère car les sociétés qui fabriquaient et utilisaient des PFAS ont contaminé le globe sans en porter la responsabilité."

Pour Patrick Byrne, chercheur en pollution environnementale à l'Université britannique John Moores de Liverpool, les PFAS sont "probablement la plus grande menace chimique pour l'espèce humaine au 21e siècle". "Cette étude est importante car elle fournit la première preuve de la transmission étendue des PFAS directement des poissons à l'homme", a-t-il dit.

Plusieurs pays en faveur d'une restriction des "polluants éternels" en Europe

La France a dévoilé mardi son plan d'actions contre les PFAS, surnommés "polluants éternels", et affiché son soutien à un projet de restriction de leur fabrication et de leur usage porté par plusieurs pays européens.

"La priorité des autorités françaises est l'aboutissement du processus d'interdiction en cours au niveau européen, pour supprimer les risques liés aux PFAS", a souligné le ministère de la Transition écologique en présentant son plan.

Cinq pays européens (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Suède et Norvège) ont déposé vendredi dernier un projet de "restriction" de ces substances, estimant que leur fabrication et leur usage ne sont "pas contrôlées de manière adéquate".

Cette démarche, qui doit être détaillée le 7 février, se fait avec le "soutien de la France", souligne le gouvernement.