En Suisse, plus de 200 églises ont changé d’affectation ces dernières années. En Suisse romande, une trentaine d’entre elles sont devenues des habitations.
Selon Yves Bourquin, président du Conseil synodal de l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN), ce changement de vocation n’est pas anodin pour les fidèles.
"Quand on décide de réaffecter un lieu de culte en une habitation, il y a un aspect psychologique aussi au niveau de la population. Ces bâtiments sont un symbole, ils sont au centre des villages. Donc c’est un pas à faire", explique-t-il mardi dans le 19h30.
Des ondes positives
Ce pas, Philippe Saltarski l'a fait. Depuis 2006, l’ancienne chapelle néo-apostolique du Locle est devenue sa maison de famille. S'il s'est posé quelques questions avant d'acheter l'ancien lieu de culte, cela n'a pas représenté un frein non plus.
"Habiter une église, c’est quelque chose qui fait réfléchir au départ", racont
e-t-il, "et en fait, en visitant, je me suis senti bien dans ce lieu, j’ai senti plutôt des ondes positives." "Imaginer que c’était un bâtiment religieux, aujourd'hui je n’y pense plus", ajoute le nouveau propriétaire des lieux.
Les spécificités du bâtiment peuvent également représenter un avantage. "Nous avons de grandes baies vitrées, qui étaient au départ nettement moins lumineuses puisque c’était des vitraux", explique Philippe Saltarski. "Mais aujourd'hui, avec des vitres, on a beaucoup de luminosité. On a un grand espace donc on se sent à l’aise dans ce volume", poursuit-il.
Les défis à relever
Si la famille Saltarski a trouvé ses marques, il a fallu surmonter quelques petits écueils au départ. Selon Philippe Saltarski, le premier défi a été de "trouver une banque voulant financer un projet qui est une église et comprendre qu’on va y faire une habitation". La famille a ensuite dû convaincre l’architecte de la ville de son projet, mais "ça s’est vraiment très bien passé", raconte-t-il.
Bien que l'expérience de cette famille se soit révélée positive, nous sommes encore loin d'une démocratisation de la pratique, selon Yves Bourquin. "Il y a encore des gens qui sont attachés à ces bâtiments, même s’ils ne viennent plus à l’église, donc il faudra encore quelques années pour passer ce pas d’une laïcisation de ces bâtiments à tel point que ça entre dans le privé."
Préserver l'identité
Transformer une église ou une chapelle en lieu habitable n’est pas chose aisée. Selon Nicolas Delachaux, architecte chez Glatz-Delachaux, "il faut d’abord comprendre le patrimoine, comprendre les caractéristiques du bâtiment et insérer le nouveau programme qui est du logement, en ayant comme arrière-pensée ces caractéristiques".
A Nyon, l'architecte a transformé l’ancienne chapelle de l’Eglise libre en maison. Le grand loft qui occupe l’ancienne nef est à vendre actuellement. Ce spécialiste du patrimoine explique que, lors de ce genre de transformations, "la technique vient se glisser dans le bâtiment, le rendant utile, mais sans en perdre son identité".
Reste à savoir s'il faut s'attendre à une normalisation du phénomène. La charge financière pourrait en tout cas jouer un rôle. Les coûts d’entretien vont peut-être pousser certaines communautés religieuses à vendre églises et chapelles dans les prochaines années.
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Sujet TV: Matthieu Hoffstetter
Adaptation web: Emilie Délétroz