Dans un rapport publié en 2009 sur l'écomorphologie des cours d'eau, l'Office fédéral de l'environnement faisait un constat: les eaux suisses étaient fortement aménagées et un besoin de revitalisation était indiqué pour près de 14'000 kilomètres, sur les quelque 65'000 km de ruisseaux et de rivières du pays, et pour environ 50'000 obstacles artificiels. Depuis lors, les bases légales ont été adaptées pour renaturer ces cours d'eau.
Le canton de Genève n'a pas attendu pour s'emparer de cette problématique et a lancé depuis plus de 20 ans une vaste opération pour renaturer son patrimoine naturel. Au total, une centaine de chantiers ont été réalisés, dont la renaturation de l'Aire, inaugurée au printemps dernier.
La rivière de la Versoix a également subi un lifting en 2010. Son embouchure était autrefois canalisée entre deux murs de béton afin de pouvoir gagner de la surface agricole ou constructible.
Franck Pidoux, directeur du Service genevois du lac, de la renaturation, des cours d'eau et de la pêche, explique l'objectif de la démarche dans l'émission Couleurs d'été de la RTS. "L'idée de la renaturation, c'est de revenir à un état naturel pour permettre d'accueillir les crues. Elle s'appuie sur les trois piliers du développement durable: un volet qui doit protéger les biens et les personnes contre les crues; un volet social pour permettre aux gens de venir profiter de la rivière; et un volet environnemental fort avec la création de milieux rares."
Une biodiversité qui en profite
Dans le canton de Genève, la plupart des cours d'eau ne sont plus canalisés, ce qui a permis de ramener de la biodiversité. "Détruire ces canaux de béton et redonner de la place à la rivière, cela crée des nouveaux milieux pionniers qui se déplacent au gré des crues, des tempêtes de bise, qui créent des milieux très importants pour la biodiversité", constate Franck Pidoux.
La faune peut aussi en profiter: "Grâce aux travaux réalisés sur la Versoix, on a pu recréer des bonnes conditions pour la truite lacustre, qui peut remonter du lac jusque dans les marais de Versoix. On a aussi des très bonnes conditions pour le castor qui peut se déplacer dans la rivière, qui peut même se déplacer dans le lac Léman pour aller explorer d'autres rivières. Donc on a vraiment une amélioration sur ce plan-là", détaille le responsable genevois.
Des reliques du passé encore présentes
En Suisse romande, de nombreux cours d'eau restent canalisés. Historiquement, ces canaux de dérivations servaient à faire tourner la roue des moulins ou des scieries. Aujourd'hui, ils ne sont plus utilisés, mais font partie de l'histoire de certains villages.
Exemple en terres fribourgeoises, à Guin, où un cours d'eau bucolique sur les bords duquel les enfants ont désormais l'habitude de jouer est en réalité un vestige de l'industrialisation de la ville. Ce canal de dérivation, même modeste, suffisait à fournir de l'énergie.
"Dans le temps, l'eau était déviée de la rivière pour arriver jusqu'ici. Elle alimentait un moulin et plus tard une scierie", explique Franz Engel, médecin retraité. Pour assurer un débit suffisant à la rivière, il est question aujourd'hui de combler ce canal, au grand dam des riverains.
Un patrimoine construit
Mais de l'autre côté du canton de Fribourg, tout au sud, bon nombre de ces canaux sont presque oubliés. "Aujourd'hui, ce qui est assez surprenant, c'est que les moulins ont disparu, ont été détruits, ou leur mécanique a été désaffectée. Les canalisations, elles, restent", constate l'archéologue du territoire Jean-Pierre Dewarrat.
"Il y avait toute sorte de moulins qui servaient aux forges, pour battre de la monnaie, faire de la poudre à canon, fabriquer des colorants. C'était une installation indispensable au développement économique, jusqu'à l'arrivée de l'électricité."
Sujets TV: Jessica Renaud et Jost Von Reding
Adaptation web: Jérémie Favre
Un changement de loi en 2011
Entrée en vigueur en 2011, la nouvelle loi sur la protection des eaux impose aux cantons de revitaliser leurs eaux. En Suisse, il est prévu de revitaliser environ un quart de ces cours d’eau, soit 4000 kilomètres. La durée des travaux est étalée sur 80 ans. La Confédération prend en charge entre 35 % et 80 % des coûts.
Depuis 2010 dans le canton de Vaud, une septantaine de projets de renaturation ont été menés. Au total, 37 km ont déjà été réaménagés dont 8 km remis à ciel ouvert, selon un état de situation en août 2022.
Le canton de Neuchâtel a lui effectué sept projets depuis 2015 pour une distance de 5 km. Le Jura, qui projette de renaturer 45 km d'ici 2080, a déjà revitalisé 10 kilomètres depuis 2014.