Pour les CFF, la panne entre Genève et Lausanne "n'a rien à voir avec une fragilité du réseau en Romandie"
Deux ans jour pour jour après le fameux incident du "trou de Tolochenaz", les usagers des CFF ont à nouveau dû prendre leur mal en patience. Un problème technique a eu lieu à la gare de Renens mercredi en fin de soirée. Résultat: une panne a fortement perturbé le réseau ferroviaire romand jeudi durant toute la journée et compliqué la vie des 100'000 pendulaires qui empruntent quotidiennement tout ou partie de la ligne Genève-Lausanne.
Il a fallu attendre la fin de la matinée pour que deux trains par heure, soit environ un tiers de la fréquence habituelle, se remettent à circuler entre Genève et Lausanne, une situation qui va perdurer jusqu'à la fin de la soirée. Les trains sont également remplacés par des bus entre Lausanne et Yverdon-les-Bains, de même qu'entre entre Morges et Renens.
Des travaux qui ont mal tourné sont à l'origine de cette interruption du trafic: des câbles ont été endommagés par une foreuse, câbles par lesquels transitaient des informations concernant l'aiguillage des trains.
>> Plus de détails dans notre article : Le trafic ferroviaire entre Lausanne et Genève a repris, mais reste perturbé
Pas possible d'anticiper l'incident
"On est face à un événement qu'on ne maîtrise pas: des travaux d'une entreprise tierce avec une foreuse", a réagi le directeur régional des CFF pour la Suisse romande David Fattebert dans l'émission Forum de la RTS jeudi soir. "C'est toujours frustrant de ne pas réussir à transporter tout le monde dans les temps", a-t-il commenté, se disant désolé par l'événement et s'excusant auprès des clients touchés.
Au cours de la journée, de nombreux voyageurs se sont plaints du manque de communication des CFF (lire encadré). "Bien sûr, on peut encore s'améliorer. Mais informer en temps réel 100'000 personnes, c'est un sacré défi", a-t-il justifié.
Câbler tous les signaux à double ou à triple serait un investissement disproportionné par rapport au risque qu'un tel incident n'arrive
Selon lui, il n'était pas possible d'anticiper l'incident, par exemple en prévoyant une redondance du système de sécurité qui a été endommagé vendredi soir. "Lausanne-Renens, c'est un tronçon hyper moderne! On l'a inauguré en 2020, on a une très bonne technologie pour les installations de sécurité... Par contre, câbler tous les signaux à double ou à triple, avec des cheminements différents, serait un investissement disproportionné par rapport au risque qu'un tel incident n'arrive", a expliqué David Fattebert.
Un long temps de réaction
La panne ayant eu lieu à 23h30, beaucoup d'observateurs se sont demandé pourquoi la première communication n'a eu lieu que le jeudi au petit matin et pourquoi un service de substitution n'a pas été préparé durant la nuit pour être à disposition aux premières heures de la journée.
"C'était le temps nécessaire pour constater qu'il s'était passé quelque chose, pour que des spécialistes viennent sur place, puis tentent de réparer", a défendu le directeur régional des CFF, avant de confier: "A un moment, on s'est rendu compte qu'on n'arriverait pas à faire la réparation avant la reprise. C'est là que nos équipes ont commencé à travailler sur des concepts de substitution".
Il a également été compliqué, explique-t-il, d'atteindre toutes les entreprises de bus de Suisse romande, qui n'ont pas forcément des services disponibles la nuit. David Fattebert salue au passage la disponibilité des TPG, qui ont réduit leurs horaires pour envoyer certains bus en direction de Morges.
Le service offert est encore "à la hauteur"
Deux ans après le trou de Tolochenaz, cette nouvelle grosse coupure du réseau sur l'axe majeur de la Suisse romande passe mal et donne encore une fois l'impression que le réseau romand est fragile. "Le symbole n'est pas tellement avantageux pour nous, mais on ne peut pas comparer les deux situations", nuance le chef des CFF pour la Suisse romande. "On a vraiment eu une coupure physique de la ligne Lausanne-Genève avec le trou de Tolochenaz. Cette fois, on avait une coupure en terme d'installation de sécurité."
La nouvelle ligne Lausanne-Genève apportera des redondances pour des interruptions physiques de la ligne, mais n'aurait pas apporté grand-chose pour ce genre de situation
Pour David Fattebert, ce genre de grosse interruption ne survient pas très souvent et n'a "rien à voir avec une quelconque fragilité du réseau" en Suisse romande, une région où, défend-il, le service offert est encore "à la hauteur". Et d'ajouter: "S'il était arrivé exactement la même chose à Zurich, ça aurait également constitué un gros défi pour transporter tous les clients."
Quant à l'espoir que de telles perturbations disparaissent une fois le projet de nouvelle voie en souterrain entre Morges et Perroy réalisé, David Fattebert le douche: "La nouvelle ligne apportera des redondances pour des interruptions physiques", mais elle n'aurait "pas apporté grand-chose pour ce genre de situation", prévient-il.
>> Lire : Le Conseil fédéral débloque 2,6 milliards pour le rail, tunnel de 9 km prévu entre Morges et Perroy
Les CFF espèrent que le trafic retournera à la normale dès vendredi matin. "On a reçu des câbles de remplacement, avec chacun entre 40 et 120 fils. A l'heure actuelle, nos équipes sont sous des tentes sous le quai 1 à Renens en train de raccorder ces câbles. Il faudra ensuite tester ces installations. On aura normalement durant la nuit une installation qui fonctionne à nouveau", escompte David Fattebert.
Sujet et interview radio: Esther Coquoz et Tania Sazpinar
Adaptation web: Vincent Cherpillod
"Jusqu'à 7h30, c'était franchement la gabegie"
Il a fallu quelques heures aux CFF pour prendre conscience des graves conséquences sur le trafic ferroviaire qu'allait avoir l'incident survenu mercredi à 23h30. Les premières communications de l'ex-régie fédérale ont eu lieu jeudi vers 5h du matin. Elles évoquaient de fortes perturbations et appelaient les usagers à renoncer à se déplacer, par exemple en télétravaillant.
Des bus de substitution pas avant 8h
Les choses sont devenues plus claires un peu plus tard dans la matinée, vers 7h, où il est apparu que les trains ne pourraient plus circuler entre Genève et Lausanne. Des navettes ont alors été mise en place aux alentours de 8h entre Morges et Lausanne. Et à partir de 10h45, deux trains par heure ont pu recommencer à circuler.
"Jusqu'à 7h30, c'était franchement la gabegie", a relaté dans Forum une journaliste de la RTS présente à la gare Cornavin. Certains pendulaires lève-tôt, qui n'avaient même pas connaissance du problème avant d'arriver à la gare, ont dû rentrer chez eux. D'autres ont choisi de persévérer et sont arrivés en retard à destination. Des voyageurs qui venaient d'ailleurs en Suisse ont raté leur train pour Paris, Bruxelles ou Milan.
Le manque d'informations dénoncé
Nouveau moment de flottement vers 11h, avec le rétablissement de deux trains par heure. Il était difficile, à ce moment-là, de savoir quels étaient les trains qui allaient vraiment partir, car tous ou presque étaient indiqués comme annulés ou en retard. Des flottements similaires ont été constatés durant toute la journée.
Jeudi soir, enfin, certains pendulaires interrogés par la RTS toujours à la gare Cornavin ont confié être partis du travail plus tôt pour ne pas arriver trop tard chez eux. De manière générale, les personnes interrogées étaient plutôt philosophes, même si beaucoup dénonçaient le manque d'informations, que ce soit sur l'application des CFF, le site internet ou dans les gares.
Tunnel Morges-Perroy: un petit bout du chemin seulement
Le 9 novembre 2021, un trou apparaît en plein milieu des voies à Tolochenaz. Les trains ne circulent plus dans les deux sens entre Lausanne et Genève. Il faudra plusieurs jours pour rétablir complètement le trafic.
>> Relire : La ligne CFF Lausanne-Genève ne sera pas rétablie avant vendredi
Depuis, le problème a été pris en main à Berne. Cet été, le Conseil fédéral a annoncé le financement d'un tunnel de contournement entre Perroy et Morges, pour un coût de 1,3 milliard de francs. Il doit voir le jour au mieux d'ici 2035.
Pour certains élus, il faut cependant en faire davantage. Ce qui a été accepté est une première étape, un bout du chemin qui ne représente qu'une partie de la ligne qui relie la capitale genevoise à la capitale vaudoise. "Avec Roger Nordmann, nous avons déposé une motion pour s'assurer que les études et les travaux se réalisent sur la totalité de la ligne Lausanne-Genève, afin qu'on construise une nouvelle ligne qui soit complètement indépendante du réseau actuel", a expliqué le conseiller aux Etats Olivier Français (PLR/VD) jeudi dans le 19h30.
Rail et route en concurrence?
Alors qu'il faudrait construire entièrement une nouvelle ligne ferroviaire sur l'Arc lémanique, près d'un milliard de francs ont été débloqués dans le même temps pour élargir l’autoroute sur 19 km, ce qui suscite parfois l’incompréhension.
Olivier Français estime lui nécessaire un bon équilibre entre voiture et train, invitant à ne pas réveiller la guerre entre route et rail. Et le temps presse: 35'000 pendulaires supplémentaires transiteront entre Lausanne et Genève d'ici 2030.