Publié

Le cannabis récréatif des Romands est produit dans une serre secrète et ultra-sécurisée

Les premières ventes légales de cannabis récréatif
Les premières ventes légales de cannabis récréatif / Mise au point / 12 min. / le 10 décembre 2023
Genève et Lausanne lancent à partir de lundi un essai-pilote de vente régulée de cannabis récréatif. L'émission de la RTS Mise au point a pu visiter la serre qui alimentera les deux points de vente, un lieu tenu secret et ultra-sécurisé.

Quelque part en Suisse romande se trouve une serre géante de 10'000 m2 qui abrite environ 20'000 plants de cannabis. Son producteur, Cédric Heeb, a été choisi pour fournir les deux magasins qui ouvriront ces prochains jours à Lausanne et à Genève.

A la veille de la première récolte, celui-ci se montre plutôt content: "On estime entre 500 kilos et une tonne de matériel", témoigne-t-il dimanche dans Mise au point.

Sécurité et discrétion

Le lieu de production est tenu secret et l'endroit est ultra-sécurisé. Les rares personnes qui y rentrent sont fichées et les employés sont priés de ne pas dévoiler la nature de leur travail. Pas même à leur famille.

"On a un enregistrement de chaque accès et un système de sécurité qui est l'équivalent de ce qui se fait dans des banques. Tout est sous vidéosurveillance. Il y a toute une infrastructure pour empêcher l'accès", explique Cédric Heeb.

N'y a-t-il pas là un brin de paranoïa? "On peut imaginer qu'il y ait du vol ou des contaminations. Nous sommes en culture biologique et nous n'avons pas le droit de traiter nos plants. Il y a des choses assez simples qui pourraient être faites pour nous embêter, comme de répandre de l'insecticide ou des pesticides à large échelle", détaille le patron.

Un travail long et minutieux

Commence ensuite la récolte des fleurs de cannabis. Désinfection, effeuillage: un travail long et minutieux débute pour les employés de Cédric Heeb. "Il y a un énorme travail de qualité. Tout ce qui aura été en contact avec la fleur aura dû être validé par notre pharmacien responsable."

En tout, huit variétés de cannabis ont été récoltées, selon les différentes demandes des essais pilotes. "On a des variétés qui sont plutôt vers le haut, vers le maximum de 20% de THC à disposition. Il y a des variétés qui sont au milieu, vers les 12%, et celles qui sont plus basses entre les 3% et 6%", énumère Cédric Heeb.

Le cannabis récréatif sera vendu entre neuf et douze francs le gramme, en fonction du taux de THC. Ces prix sont comparables à ceux du marché noir, sauf pour les achats en très grande quantité. Les produits sont exclusivement destinés à une consommation personnelle et dans la sphère privée.

Stockage derrière des portes blindées

La récolte est ensuite stockée dans des bidons en différents endroits de la Suisse romande, le tout derrière des portes blindées. Car une tonne à environ 10'000 francs le kilo représente une marchandise dont la valeur atteint presque dix millions de francs.

Au final, les employés de Cédric Heeb ont cueilli environ 500 kilos de cannabis: "Cela va un peu diminuer, parce que maintenant nous allons affiner tout ça, enlever les feuilles et il ne restera plus que les fleurs. Ça devrait encore diminuer presque de moitié."

On fait vraiment en sorte que ce soit un super produit pour les consommateurs et qu'ils aient accès à quelque chose d'incroyable

Cédric Heeb, producteur de cannabis

Le produit va encore passer de salle en salle, de main en main, et il sera à chaque fois contrôlé minutieusement. "Là, on est sur le dernier contrôle visuel, la dernière manucure, avant que le produit ne soit mis en sachet. On fait vraiment en sorte que ce soit un super produit pour ces essais-pilotes", précise encore le producteur.

Les cartons seront encore stockés temporairement avant d'être expédiés de façon très sécurisée jusqu'au point de vente, d'une manière, là encore, secrète.

"Enfin accéder à un marché régulé"

La RTS a pu rencontrer un jeune participant au projet lausannois Cann-L (voir encadré), qui a décidé de témoigner à visage caché et qui se réjouit de pouvoir "enfin" accéder à un marché "un peu plus régulé" et libre "comme il devrait l'être".

"Je n'ai jamais vraiment su ce qu'il y avait dans les produits que je fume, notamment le taux de THC. Pour moi, c'est un gros problème, c'est comme si vous alliez acheter une bouteille de vin sans savoir si elle est à 5% ou 25%", confie-t-il.

Pour lui, participer à ce projet est presque un acte militant. "Le cannabis reste un produit présenté comme une drogue, ce qui est encore trop stigmatisé à mon avis dans notre société. J'espère que ces projets pourront aider à changer cela", argumente-t-il.

>> Lire : Podcast - Pourquoi fume-t-on autant de cannabis en Suisse?

Reportage TV: Béatrice Guelpa et David Nicole

Adaptation web: Jérémie Favre

Publié

Un projet sur quatre ans à Lausanne

Avant de pouvoir être fumé légalement, le cannabis va devoir passer par les bureaux d'Addiction Suisse, qui a été mandatée par la Ville de Lausanne pour mettre sur pied le projet baptisé Cann-L, lequel ouvre le 11 décembre.

D'une durée de quatre ans, il a pour objectif d'évaluer la faisabilité et l'impact d'un modèle de régulation du cannabis.

Le point de vente du Cann-L proposera quatre types de cannabis, qui se différencient par leur taux de THC. [Keystone - Martial Trezzini]
Le point de vente du Cann-L proposera quatre types de cannabis, qui se différencient par leur taux de THC. [Keystone - Martial Trezzini]

Ce magasin à but non lucratif situé en plein coeur de Lausanne va proposer un type de résine et quatre types d'herbe dans un premier temps, qui se différencieront par leur teneur en THC. L'achat au point de vente sera exclusivement réservé aux participants et aux participantes de l'étude.

Les critères pour pouvoir participer au projet sont stricts: il faut avoir 18 ans révolus et déjà être fumeur de cannabis. Il faut aussi avoir suivi un entretien d'information et avoir répondu à des questions sur sa santé et sa consommation.

>> Les précisions du 19h30 sur le point de vente lausannois :

Pour lutter contre le marché noir et surveiller les addictions, Lausanne lance un essai pilote de vente régulée de cannabis
Pour lutter contre le marché noir et surveiller les addictions, Lausanne lance un essai pilote de vente régulée de cannabis / 19h30 / 1 min. / le 11 décembre 2023

>> Lire : Ouverture d'un point de vente proposant du cannabis légal à Lausanne

Plus de 250 participants

A Lausanne, on estime à 6500 le nombre de fumeurs réguliers de cannabis. Les places se sont donc arrachées comme des petits pains. Plus de 250 personnes se sont inscrites en quelques semaines. D'ici juillet 2024, près de 1500 personnes pourraient être sélectionnées.

"Ce qui nous a étonnés, c'est la rapidité avec laquelle les personnes se sont inscrites au projet. Les plages pour finaliser les inscriptions partaient en trois secondes", raconte Jonathan Chavanne, collaborateur scientifique chez Addiction Suisse.

"Les 250 premiers inscrits ont entre 35 et 37 ans en moyenne et sont des hommes à 80%. Ils consomment du cannabis quotidiennement ou presque, et de longue date, et ont envie de quitter le marché noir", a précisé Frank Zobel, directeur adjoint d'Addiction Suisse.

Les participants pourront acheter entre 50 et 100 grammes de cannabis par mois en fonction du taux de THC. Un médecin spécialiste des addictions est aussi associé au projet et sera à la disposition des acheteurs et des vendeurs.

>> Interview du directeur adjoint d’Addiction Suisse Frank Zobel dans Mise au point :

Interview du directeur adjoint d’Addiction Suisse
Interview du directeur adjoint d’Addiction Suisse / Mise au point / 3 min. / le 10 décembre 2023