Patouch est un acteur bien connu des élèves de la scolarité obligatoire et de leurs parents. Cela fait plus de vingt ans que l'association propose des jeux de rôle contre le harcèlement et les violences sexuelles, surtout dans les cantons du Valais et de Vaud.
Mais depuis quelques années, la relation entre ces autorités et Patouch s’est détériorée. L'Etat de Vaud juge que la prestation proposée par l'association n'est "pas en ligne avec sa politique de prévention en matière de harcèlement, d'abus sexuels ou de maltraitance".
Les cours de Patouch sont accusés d'utiliser "un langage inapproprié" et de véhiculer un discours "culpabilisant et négatif".
Des demandes d’ajustements ignorées
En 2017, l'Etat de Vaud a demandé des ajustements. En 2021, une évaluation est arrivée à la conclusion que l'association n'en avait pas tenu compte. Patouch a été interdite des écoles vaudoises, par oral en décembre 2022 et par écrit en mars 2023.
L'Etat du Valais a, lui, interdit Patouch en septembre 2023. Il juge ses ateliers trop bruyants et "plus ludiques que pédagogiques". Pour arriver à cette conclusion, les évaluateurs du canton ont suivi quatre cours annoncés à l'avance à Patouch. Sur deux pages, leur rapport liste quinze critiques sur la qualité pédagogique des cours, qui ne seraient pas adaptés aux jeunes, trop rapides, trop moralisateurs et qui manqueraient leur cible.
"Il est clair que si un jeune se fait attaquer, enlever, il faut qu’il sache se défendre en piquant les yeux ou en tapant les parties intimes. Mais les agressions dans la rue sont minimes. Le vrai danger est dans l’entourage proche et c’est ce pan-là qui manquait dans les interventions", résume Jean-Philippe Lonfat, le chef du Service cantonal de l'enseignement, mardi dans La Matinale de la RTS.
Le canton redoutait aussi que les moyens de défense présentés dans les ateliers puissent servir en cas de conflits entre élèves, alors que l'école prône, au contraire, des moyens pacifiques de résolution des conflits.
Enfin, le Valais jugeait que les intervenants de Patouch - qui sont diplômés en psychologie ou dans le domaine du social - n'étaient pas véritablement au bénéfice d'une formation reconnue.
Un rapport de l’UNIL favorable
Fondateur et président de Patouch, le Valaisan Bernard Jaquet - un ancien inspecteur de police judiciaire, au bénéfice d'un diplôme universitaire en protection de l'enfant - ne veut pas répondre aux critiques point par point, mais juge "dommage" le bannissement de son association des écoles publiques valaisannes et vaudoises.
"Cela fait vingt ans que l’on donne des cours dans les écoles à satisfaction de tout le monde. Quoi qu’on fasse, il y aura toujours des critiques. Nos cours sont validés scientifiquement par l’Université de Lausanne (UNIL) et les résultats sont éloquents: neuf enfants sur dix qui ont suivi la formation Patouch arrivent à gérer une situation de violence. A contrario, neuf enfants sur dix qui n’ont pas suivi cette formation n’arrivent pas à gérer cette même situation de violence."
Reste que cette étude de 2021 n'aura pas permis à Patouch de continuer à donner des ateliers dans les écoles valaisannes et vaudoises.
Un lobbying contre-productif?
Bernard Jaquet assure que l’existence de Patouch n’est pas remise en question, même si en 2022, rien que l'Etat du Valais et la Loterie romande ont assuré à Patouch au moins un quart de ses recettes totales de 900'000 francs. "Les écoles payaient une partie de la prestation et, si on calculait tout, on perdait de l’argent en allant dans les écoles. C'est grâce à notre comité de soutien et tous les gens qui nous soutiennent qu’on arrive à fonctionner. La Loterie romande soutient, elle, des projets. Si cette année, elle ne nous soutient pas, on ne peut que la remercier pour les années précédentes et espérer qu’elle soutienne des projets futurs."
L'association dit fourmiller de projets, mais à voir si ses donateurs continueront de payer et si les entités privées solliciteront toujours Patouch pour des formations, du moment qu'elle est interdite des écoles valaisannes et vaudoises, qui lui conféraient de la légitimité.
Pour Bernard Jaquet, l'enjeu est aussi financier, puisqu'il vivait désormais de Patouch. Cela faisait des années qu'il essayait de rendre obligatoire ses ateliers dans les écoles valaisannes. Mais son fort lobbying politique et médiatique n'aura pas fonctionné et peut-être même initié la fin d'une collaboration longue de vingt ans avec les écoles publiques.
Romain Carrupt/boi