L’homme qui a pris en otage, jeudi soir, 13 personnes dans un train entre Baulmes et Yverdon-les-Bains, dans le canton de Vaud, avant d’être abattu par la police, se sentait pourchassé en Suisse, a appris le Pôle enquête de la RTS. Peu connu des services de police romands, il avait fait l’objet d’avis de disparition avec risque suicidaire et avait été interné.
Ce requérant d’asile iranien, B*, né en 1991, arrive en août 2022 en Suisse après un parcours migratoire long et mouvementé, qui l'a conduit dans une demi-douzaine de pays d’Europe. Sa première demande d'asile se fait en Grèce. Il dit avoir subi des maltraitances dans un certain nombre de pays traversés.
Placé à Genève
Entré en Suisse, il est d’abord enregistré au Centre fédéral d’asile de Boudry, dans le canton de Neuchâtel, où il fait part de problèmes de santé. Mais sa demande d’asile est liée à des raisons politiques, selon les renseignements de la RTS: il fait valoir des risques de persécution dans son pays d’origine, l'Iran.
En novembre 2022, il est envoyé à Genève où il a été attribué en transfert anticipé. Il est placé au Centre d'accueil de Palexpo, près de l’aéroport de Cointrin.
Forte paranoïa
En avril 2023, c’est la grande audition devant les services de migration qui doivent statuer sur son sort. Lors de cette audition, B* fait preuve d'une forte paranoïa. Il dit se sentir pourchassé en Suisse, il se dit angoissé, il dit avoir peur. Il avance avoir eu une histoire avec une femme qui aurait jeté des sorts sur lui. Il affirme que cette femme jouerait avec sa santé psychologique. Il se demande si sa nourriture n’est pas empoisonnée.
Son cas est alors considéré comme complexe, nécessitant des vérifications. Une procédure étendue est alors décidée. B* peut donc rester en Suisse le temps de clarifier sa situation, sans garantie toutefois de bénéficier d’une issue positive.
Disparition
A la mi-juin, B* disparaît des radars. Les autorités n'ont plus de nouvelles de lui. Le canton de Genève en informe le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) début août 2023, selon les informations de la RTS. Le SEM décide alors de radier son dossier une semaine plus tard.
B* réapparaît en janvier dernier. Il transmet une lettre de quelques lignes au SEM et se présente au Centre fédéral d’asile de Boudry. Il explique avoir été au Royaume-Uni mais que les autorités britanniques lui ont ordonné de retourner en Suisse. Le SEM décide alors de rouvrir son dossier.
Santé mentale fragile
Pendant quasiment toute sa prise en charge en Suisse, cet homme, décrit comme solitaire, a souvent fait preuve de propos confus, voire incohérents, laissant planer le doute sur sa bonne santé psychologique. Selon les informations de la RTS, B* avait d’ailleurs été interné en hôpital psychiatrique à Genève à la suite d’épisodes de décompensation psychique.
En revanche, B* n’a jamais posé de problèmes sécuritaires au Centre fédéral de Boudry, selon les renseignements de la RTS. Il n'était pas non plus connu des services de police en Suisse romande, si ce n'est pour des délits mineurs (vol, ivresse) commis dans les cantons de Vaud et de Genève. Il n’était pas non plus identifié comme radicalisé. Il a néanmoins fait l'objet de plusieurs avis de disparition avec des risques suicidaires.
Multiples armes
Dans un communiqué diffusé vendredi soir, la police vaudoise indique que la prise d’otages menée par B* serait due "à ses conditions de requérant d’asile, ainsi qu’à sa volonté insistante d’avoir des contacts avec une collaboratrice d’un centre de requérants d’asile". Les forces de l’ordre précisent avoir dû intervenir "à plusieurs reprises à cause de son comportement".
L’individu, armé d’une hache, d’un marteau et d’un couteau, a finalement été abattu jeudi soir après "une longue phase de négociations", selon la police vaudoise. "Vers 22h15, les membres du groupe d’intervention ont donné l’assaut. L’un d’eux a d’abord fait usage de son taser pour immobiliser l’homme qui se précipitait sur eux. L’individu armé a néanmoins continué sa course dans leur direction et celle des otages. Un deuxième membre de l’unité a alors fait usage de son arme afin de le neutraliser." L’enquête se poursuit sous la direction du Ministère public vaudois.
Camille Lanci, Ludovic Rocchi, Fabiano Citroni et Raphaël Leroy, Pôle enquête de la RTS
Collaboration : Tania Sazpinar