Pour obtenir une place dans l'un des ports du Léman, il faut s'armer de patience. Markus Burkhardt est un navigateur aguerri. Ce skipper a fait plusieurs traversées transatlantiques et emmène ses clients en haute mer.
Il y a 12 ans, le marin suisse achète un bateau sur le Léman. "Je me suis inscrit à tous les ports en espérant trouver une place officielle", explique-t-il jeudi dans le 19h30 de la RTS. Après une décennie à trouver des arrangements, il a enfin obtenu une place l'année dernière. "Ça a quand même duré 10 ans."
Plus d'une vingtaine d'années
Les recherches de la RTS auprès des ports suisses du Léman montrent en effet que l'attente est longue pour obtenir une place d'amarrage.
À Genève, tous les ports sont gérés par le canton, sauf la Nautique. La liste d'attente s'est considérablement raccourcie depuis 2021 et l'entrée en vigueur d'une nouvelle directive qui interdit de transférer une place lors de la vente d'un bateau. Désormais, il faut attendre entre 4 et 5 ans.
Sur les rives valaisannes et vaudoises, les ports sont gérés par les communes, à l'exception de quelques ports privés. Les marins inscrits sur une liste d'attente doivent patienter de quelques années à plus de 25 ans. Le record autour du lac se trouve dans la région nord du lac: 45 ans en moyenne pour obtenir une place au port des Batiaux, à Allaman. A noter que c'est le seul port vaudois géré par le Canton.
Priorité à la famille et aux résidents
Dans tous les ports publics, les navigateurs restent locataires de la place: il est interdit de la vendre ou de la remettre à un tiers. La plupart des communes acceptent toutefois qu'elle soit transmise à la famille ou que les héritiers directs puissent la récupérer.
Sur les listes d'attente, sauf quelques exceptions, les communes favorisent souvent leurs résidents. Les habitants des communes limitrophes, du district ou du canton sont inscrits comme viennent-ensuite. Dans ces cas, obtenir une place d'attente s'avère compliqué, voire impossible.
Revoir le règlement
Au port du Taillecou, à St-Prex, il faut patienter jusqu'à une vingtaine d'années pour obtenir l'une des 130 places. "C'est regrettable, mais posséder un bateau est un luxe. C'est normal qu'on doive attendre pour un luxe de ce type", justifie Maria Chiara Barone, cheffe du Service de l'urbanisme et des infrastructures.
C'est regrettable, mais posséder un bateau est un luxe
L'attente peut être d'autant plus frustrante que, dans beaucoup de ports, certains bateaux ne semblent pas naviguer. Pour garantir un accès plus équitable, certaines communes songent à revoir leur règlement.
"L'outil pour essayer de dynamiser le port, c'est de réviser le règlement [...] dont l'obligation de naviguer", détaille l'élue dans La Matinale.
La solution du partage
Face à la pénurie, le "boat sharing", le partage de bateau en français, se développe sur le Léman. En 2020, après un appel d'offres, la ville de Lausanne a attribué 17 de ses 1723 places à différents clubs nautiques. Ceux-ci mettent à disposition des bateaux auprès de leurs abonnés ou sociétaires.
On partage les bateaux, on partage les frais
A Lausanne, le Club Folle Brise propose à ses membres d'utiliser ses voiliers de manière illimitée contre une cotisation annuelle. Pour son président, Markus Reichle, cette solution est idéale: "On partage les bateaux, on partage les frais. Et puis au niveau de l'optimisation de l'utilisation des bateaux, c'est vraiment ce qu'il y a de mieux", juge-t-il.
Le défi des nouveaux ports
Les ports suisses du Léman comptent plus de 13'000 places d'amarrage au total. Mais construire de nouveaux ports n'est pas simple. Il faut concilier les intérêts des navigateurs et ceux des riverains ou encore des défenseurs de l'environnement.
Il aura fallu cinquante ans pour que le port du Torry soit construit. Fruit d'une entente intercommunale entre Mies et Tannay (VD), il offre désormais 136 places, dont 125 pour la location.
Dans l'embouchure de la Venoge, les communes de Préverenges et St-Sulpice se partagent, elles, une centaine de places d'amarrage. Celles-ci doivent être déplacées dans le cadre du chantier de renaturation de la rivière. Les communes s'étaient alliées pour créer un nouveau port de 250 places à St-Sulpice, mais le Conseil communal de Préverenges a refusé, cet hiver, un crédit d'étude qui aurait marqué la première étape du projet.
Reportage radio et TV: Camille Besse et Léandre Duggan
Adaptation web: ther