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Nathalie Fontanet et Christelle Luisier critiquent d'une même voix la stratégie de Tamedia

Les invitées de La Matinale - Les conseillères d’Etat Christelle Luisier et Nathalie Fontanet [RTS]
Les invitées de La Matinale - Christelle Luisier et Nathalie Fontanet / La Matinale / 12 min. / le 28 août 2024
Nathalie Fontanet et Christelle Luisier parlent d'une même voix mercredi dans La Matinale. Les deux conseillères d’Etat PLR, genevoise pour la première et vaudoise pour la seconde, déplorent la restructuration annoncée la veille par Tamedia. Selon elles, la presse locale est en danger en Suisse romande. 

"La presse est un pilier de la démocratie. C'est elle qui permet à chaque citoyen de former son opinion. On voit qu'elle s'affaiblit depuis quelques années. Nous ressentons un danger important et regrettons aussi très fortement de ne pas avoir été contactés auparavant", assène Nathalie Fontanet.

Même son de cloche du côté de son homologue vaudoise, qui fait part de sa "vive inquiétude" pour la presse et regrette également ne pas avoir reçu d'information avant cette restructuration.

La direction nous avait assuré qu'il y avait une stratégie de restructuration qui visait à maintenir son offre en Suisse romande

Christelle Luisier

Dans le canton de Vaud, le centre d'impression de Bussigny va notamment fermer ses portes. La Broyarde estime que la restructuration d'ampleur annoncée par l'éditeur constitue un "affaiblissement de la couverture médiatique en Romandie".

>> A lire sur la restructuration annoncée par Tamedia : Restructuration radicale chez Tamedia qui va supprimer près de 300 postes et fermer des imprimeries

Pas de "vision claire"

Cette réduction du nombre d'emplois - 290 au total dans le pays - fait suite à l'annonce l'année passée de la suppression de 28 postes au sein des rédactions romandes de TX Group, dont fait partie Tamedia, rappelle l'élue vaudoise. "Nous avions alors eu l'occasion de rencontrer la direction, qui nous avait assuré qu'il y avait une stratégie de restructuration qui visait à maintenir son offre en Suisse romande", relève la conseillère d'Etat en charge des institutions et du territoire.

Mais moins d'un an plus tard, c'est une restructuration encore plus importante qui est annoncée.

La ministre vaudoise estime qu'il existe à présent un risque de perte de sensibilité romande, illustrant son propos avec les traductions d'articles écrits en allemand diffusés auprès du public francophone. Christelle Luisier peine également à se réjouir du renforcement de la présence en ligne envisagé pour le média vaudois 24 heures.

En effet, des suppressions de postes de travail dans les rédactions "sans vision claire" sont prévues, soutient la ministre. Dans ce contexte, comment concilier consolidation d'une marque et réduction des emplois? "C'est un peu difficile à comprendre", lance Christelle Luisier.

>> A lire, le reportage auprès des employés du centre d'impression de Bussigny : "On savait, on n’est pas dupes", déplorent les employés de l'imprimerie de Bussigny

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Une stratégie dénoncée

Nathalie Fontanet, la conseillère d'Etat en charge des finances et des affaires extérieures genevoises, tance encore plus fermement la direction suivie par l'entreprise basée à Zurich: "Cela fait plusieurs années que la stratégie de Tamedia mène à des coupes d'emplois massives. Cette stratégie ne convient pas au Conseil d'Etat genevois. Nous estimons que la presse ne doit pas être traitée comme un bien de consommation ordinaire. Une grande société comme Tamedia ne peut pas faire des bénéfices et ne pas s'occuper du rôle de la presse. Dans notre démocratie, elle forme l'opinion des personnes. Elle doit être diverse et de qualité."

La population est attachée à ses quotidiens locaux

Nathalie Fontanet

En tant que ministre genevoise, Nathalie Fontanet craint en particulier pour l'avenir de la Tribune de Genève. "Nous ne sommes pas dupes concernant ce qui est annoncé par Tamedia, qui nous promet que la Tribune de Genève va perdurer, alors même qu'il est clairement annoncé qu'elle ne sera plus un média prioritaire", déclare-t-elle.

Selon la magistrate du bout du lac, "la population est attachée à ses quotidiens locaux". Ceux-ci informent notamment sur la vie dans les communes. La survie à terme d'un seul grand journal lémanique, "ne convient pas à la spécificité de nos cantons", assure-t-elle.

Elle redoute aussi la fermeture du centre de Bussigny. Celle-ci aura des répercussions sur la livraison de toutes les publications, d'après elle. Des titres imprimés en Suisse alémanique devront être bouclés plus rapidement. Conséquence, les informations de la soirée ne seront pas incluses dans les pages du journal.

>> A relire également : Restructuration radicale chez Tamedia qui va supprimer près de 300 postes et fermer des imprimeries

Des aides d'Etat oui, mais pas plus

Les deux conseillères d'Etat tirent donc à la même corde. Quid des solutions proposées par ces deux ministres libérales-radicales pour pérenniser l'avenir de la presse romande?

L'Etat n'a pas à se substituer à un média privé, au contre-pouvoir médiatique

Nathalie Fontanet

Christelle Luisier et Nathalie Fontanet ne sont pas favorables à une reprise en main par les pouvoirs publics. "L'Etat n'a pas à se substituer à un média privé, au contre-pouvoir médiatique", dit la première. "La presse n'a pas vocation à devenir une presse d'Etat", abonde la seconde.

Les deux camarades de parti font en revanche valoir que les médias bénéficient d'aides cantonales indirectes, par exemple l'abonnement à un journal offert aux jeunes. L'administration paie également des publicités dans les pages des journaux.

Le cas de TX Group/Tamedia est néanmoins particulier. Pour Nathalie Fonanet, il est "problématique" d'aider une entreprise bénéficiaire qui verse des dividendes à ses actionnaires. Christelle Luisier précise d'ailleurs que TX Group a bénéficié des aides vaudoises, mais a renoncé à presque tout le programme de soutien cette année.

Une reprise par d'autres acteurs privés?

La ministre genevoise avance qu'il faut désormais s'interroger sur les moyens de sauver la presse romande et les publications de Tamedia. Elle propose une piste: "Faut-il sortir des titres de ce grand groupe? Ces titres peuvent-ils être repris par des privés, des associations ou des fondations?" se demande-t-elle.

Christelle Luisier admet quant à elle que les aides ne sont pas suffisantes pour sauver les médias. Cela rend nécessaire à ses yeux une meilleure compréhension de la stratégie de l'éditeur zurichois.

Les Conseils d'Etat vaudois et genevois ont ainsi demandé une rencontre urgente avec les dirigeants de l'entreprise pour faire la lumière sur ce qu'elle prévoit pour la Suisse romande.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Texte web: Antoine Michel

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