Résumé de l’article
Le Jura bernois face à un casse-tête administratif après le départ de Moutier
Le projet Avenir Berne Romande (ABR) souhaite profiter du transfert de Moutier pour réorganiser les instances administratives du Jura bernois. L'idée de base prévoyait deux pôles principaux.
Le premier devait notamment regrouper les impôts et le registre foncier dans une ancienne usine à Tavannes. Un pôle "justice et police" devait lui prendre place dans le village d’à côté, dans un nouveau bâtiment à construire. Les deux sites devaient représenter environ 200 employés. Mais le projet a déjà rencontré des écueils.
L'ancienne usine à rénover, la Tavannes Machines, est en réalité en bien plus mauvais état que ce que le canton imaginait. Les occupants actuels ont même dû évacuer les lieux cet été, en raison du risque d'effondrement du bâtiment, qui a été consolidé depuis.
Les travaux seront néanmoins plus conséquents que prévu. Ce centre ne sera ainsi pas opérationnel en 2026, moment où les instances concernées doivent avoir quitté Moutier. En attendant, des locaux provisoires sont prévus, notamment à Bienne pour le tribunal.
Restriction budgétaire
Deuxième problème, le bâtiment qui devait abriter le pôle justice et police ne verra tout simplement pas le jour, après une décision du Grand Conseil. Le canton de Berne, endetté, a dû revoir ses priorités en matière d'investissements pour ces prochaines années. Les autorités voulaient reporter la construction de dix ans. Ce délai était impensable pour les élus de la région.
>> Lire à ce sujet : Des locaux provisoires pour la justice et la police du Jura bernois ont été trouvés
"Avec un report de dix ans, en plus des différentes complications qu'il pourrait y avoir, la députation craignait que la justice ne revienne jamais dans le Jura bernois et que c'était une façon déguisée d'abandonner le projet", rapporte dans La Matinale Karim Saïd, président de la députation francophone au Grand Conseil bernois.
Dans notre pays, toutes les minorités possèdent leurs instances judiciaires sur leur territoire. C'est quelque chose de très important à conserver
"Comme cela nous importait que la justice puisse revenir dans le Jura bernois, on a proposé un plan B pour s'assurer que ce soit bel et bien le cas." Comme certains habitants du Jura bernois, l'élu craint que toutes les institutions finissent définitivement à Bienne.
Géographiquement, un tel regroupement pourrait avoir du sens. Mais Karim Saïd rappelle que le problème est administratif. "Il y a la loi sur le statut particulier qui protège la minorité francophone du canton de Berne. Dans notre pays, toutes les minorités possèdent leurs instances judiciaires sur leur territoire. C'est quelque chose de très important à conserver."
Quel signal à la population?
Avec le départ de Moutier, la population francophone bernoise se trouve réduite. Le projet Avenir Berne Romande était un signal du canton d Berne envoyé à la population pour lui montrer qu'il ne l'oubliait pas, malgré le départ de la cité prévôtoise. Mais avec ces écueils, le message semble un peu se brouiller.
Le canton investit des dizaines de millions dans ces différents projets, qui seront très bénéfiques pour la population.
Pierre Alain Schnegg, conseiller d’Etat qui occupe le siège réservé au Jura bernois, se veut pourtant rassurant. "Il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Le projet a été décidé et validé. Les crédits ont été également donnés par le Grand Conseil. Le canton investit des dizaines de millions dans ces différents projets, qui seront très bénéfiques pour la population. Ce n'est pas un projet qui est fait pour dix ou quinze ans, mais pour trente, voire cinquante ans."
Ces différents écueils sont normaux au vu du contexte, assure Mario Annoni, ancien conseiller d’Etat et chef de projet d'Avenir Berne Romande. "Le projet ABR est soumis à une pression au niveau du temps. Il faut déplacer l'administration, les tribunaux, le ministère public, la police. Il faut réaliser des investissements en quelques années seulement et cela signifie qu'on n'a pas la possibilité d'analyser, de planifier et de préparer avec le même temps à disposition que dans des projets habituels."
Une opportunité à saisir
Mario Annoni n'estime pas pour autant que le projet était trop ambitieux, malgré le peu de temps à disposition. "Une opportunité est là de concentrer toute l'administration du Jura bernois en un seul endroit. C'est bien pour la population, c'est bien pour ceux qui ont besoin de cette administration. C'est aussi l'occasion de faire des économies d'échelle, parce qu'on n'est pas obligé de prévoir plusieurs services dans différents bâtiments administratifs et publics. Je pense que c'était une occasion à saisir." Du côté du gouvernement bernois, Pierre Alain Schnegg partage aussi cet avis.
La prochaine étape pour cette grande réorganisation de l'administration du Jura bernois concerne les travaux dans l’ancienne usine de Tavannes, qui commenceront l’année prochaine, et qui contiendra finalement aussi la justice et la police. Son ouverture est prévue pour 2028.
Célia Bertholet/asch