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Jusqu'à 275'000 francs par an, ce que gagnent les maires de Suisse romande

Les écarts de rémunérations entre les chefs des exécutifs communaux romands apparaissent vertigineux et ce ne sont pas les grandes villes qui paient le mieux. La ville de Sion accorde le meilleur salaire, devant Genève ou Lausanne.

274'950 francs bruts par an. Avec ce montant, le président de la ville de Sion est le mieux rémunéré des chefs des exécutifs communaux romands. Le salaire de Philippe Varone (PLR) dépasse même celui du maire de Genève, qui gère une ville six fois plus peuplée. Rémy Pagani (Ensemble à gauche) touche en effet 254'000 francs bruts, auxquels il convient d'ajouter 18'500 francs de frais de fonction.

"Comparaison n'est pas raison". Voilà ce que répondent de nombreux élus lorsqu'on leur parle de leur fiche de paie. A taille similaire, certaines disparités ont pourtant de quoi surprendre, comme le dévoile l'enquête menée par la RTS auprès des 769 communes romandes (lire méthodologie en encadré).

Dans une perspective de comparabilité, la carte ci-dessus a été établie en fonction des salaires fixes. Les montants d'éventuels frais de fonction, participations aux séances de l'exécutif ou vacations (temps dévolu à la commune) sont indiqués dans l'infobulle. Dans les communes de moins de 5000 habitants, cette part variable revêt une grande importance et peut permettre au chef de l'exécutif de doubler, voire tripler son salaire de base. En règle générale, on dénombre environ 40 séances de l'exécutif par année. Le nombre d'heures de vacation varie quant à lui grandement d'une commune à l'autre.

178'000 francs de différence à taille égale

Dans deux villes de taille moyenne comme Vernier (GE) et Sion, 35'000 habitants environ, l'écart de salaire est colossal. A la tête de la commune genevoise, Yvan Rochat (Les Verts) touche 92'873 francs bruts à 100% et 8840 francs de frais de fonction (auxquels s'ajoutent 15'000 francs de jetons de présence en tant que représentant de la commune dans divers conseils d'administration). Une rémunération qui baissera de 0,4% dès le mois de janvier afin de permettre le bouclement du budget 2018. "On préférerait toujours être un peu mieux payé par rapport aux charges et aux responsabilités. Je trouve cependant mon salaire relativement correct", explique le représentant écologiste.

Correct, mais tout de même inférieur de 178'000 francs à celui du président de Sion. Choquant? Philippe Varone, en poste depuis janvier 2017, s'en défend: "La question du salaire est toujours un problème délicat. Je trouve que c'est juste par rapport aux responsabilités. On en a discuté avec l’exécutif. J'ai jugé qu'il n'y avait aucune raison d'augmenter ma rémunération au-delà d'une légère compensation du fait que la rente à vie était dorénavant supprimée". Ainsi, avec ses 21’150 francs par mois, l'élu PLR gagne 7,5% de plus que son prédécesseur Marcel Maurer.

Si les exemples de Sion et de Vernier sortent du lot, des disparités significatives émergent également dans les communes de taille inférieure (voir graphique ci-dessous).

Le président de l'exécutif de Val-de-Travers (NE) gagne par exemple, comme ses autres collègues du conseil communal, 136'000 francs bruts par année pour un taux d'activité de 100%. Le syndic d'Ecublens (VD), 12'300 habitants, ne touche quant à lui que 50'000 francs pour un poste à 50%. Ramené à un équivalent plein-temps, la différence de salaire avec Val-de-Travers est de 36'000 francs par an. La petite ville vaudoise compte pourtant 2000 âmes de plus que la commune neuchâteloise issue de la fusion de neuf communes.

Clivage gauche-droite

Comment expliquer des écarts aussi importants pour des communes de taille similaire? Professeur à l'Institut des hautes études en administration publique (IDHEAP) de l'Université de Lausanne, Yves Emery rappelle que le salaire des élus résulte tout d'abord de l'autonomie des communes.

En ce sens, deux éléments pèsent souvent lourd dans la balance au moment de fixer le niveau des rémunérations: l'état des finances et la composition du pouvoir législatif, amené à valider ces montants. "Le salaire des politiques est toujours le fruit d'un rapport de force. Si le législatif est plutôt à gauche, il aura une certaine tendance à limiter les dépenses et donc les niveaux de rémunérations. S'il est plutôt à droite, il sera moins regardant", explique le professeur en management public.

Du simple au double

La conséquence de l'autonomie communale est particulièrement observable dans les communes de petite taille. Plus le nombre d'habitants diminue, plus les systèmes de rémunération deviennent complexes.

Comme dans les villes, le salaire des élus des communes de 5000 à 10'000 habitants correspond généralement à un montant forfaitaire basé sur la grille des rémunérations du personnel communal. Plus rarement, ces miliciens touchent aussi des vacations, soit une part variable en fonction du nombre d'heures consacrées à la commune.

C’est le cas du maire de Moutier (BE) Marcel Winistoerfer, élu en juin 2016. En plus de son allocation annuelle de 32'000 francs, le démocrate-chrétien touche entre 30 et 50 francs par heure de travail. "Tout compris, on arrive à un peu moins de 60'000 francs par année", explique celui qui est à la tête d’un peu plus de 7500 habitants. Sa charge de travail équivaut à "un 40% voire un 50% à l’heure actuelle, compte tenu de l’intégration future au canton du Jura". A côté, Marcel Winistoerfer a conservé son emploi d’enseignant. "Ca commence à faire beaucoup pour un seul homme", soupire-t-il. Une manière de compenser un salaire de maire trop peu élevé? "Je ne me suis jamais posé cette question, le précédent maire touchait déjà la même chose que moi. Ce qui compte, c’est l’engagement."

Dans les communes de taille similaire (entre 7500 et 8000 habitants), les salaires sont pourtant tous considérablement plus élevés. Ils atteignent par exemple 108'400 francs à Viège (VS), 92'000 francs au Mont-sur-Lausanne (VD) ou encore 91'000 francs à Ollon (VD).

Être président demande beaucoup de sacrifices. Si le salaire n'était pas correct, cela ne vaudrait pas la peine.

Sylvain Dumoulin, président de Savièse (VS)

A l’extrême inverse, le président de Savièse (VS) touche plus du double de Marcel Winistoerfer. En poste depuis le 1er janvier, Sylvain Dumoulin (PDC) perçoit 138'000 francs annuels bruts et 12'000 francs de frais de fonction pour un taux d’activité de 70%. Excessif? Non, rétorque l'intéressé. "Il correspond au salaire d’un patron d’une PME d’une centaine de personnes. Je ne fais de toute façon pas cela pour le salaire. Ce qui m’anime, c’est l’intérêt pour la fonction", explique le jeune homme de 36 ans qui travaille également à 30% comme ingénieur civil. Et de poursuivre: "Président, c’est tout de même un poste à responsabilités importantes, notamment en matière d’aménagement du territoire. Cela demande beaucoup de sacrifices, on grappille sur notre temps libre. Ma famille ne me voit pas beaucoup. Si le salaire n'était pas correct, cela ne vaudrait pas la peine."

La jungle des petites communes

En dessous de 5000 habitants, les modalités de rémunération varient drastiquement d'une localité à l'autre. Une véritable jungle dans laquelle la part variable du salaire occupe la plupart du temps une place prééminente.

A l’instar du maire de Moutier, la quasi-totalité des édiles touche en effet une rémunération fixe à laquelle s’ajoutent d’autres honoraires pour les participations aux séances de l’exécutif ou pour les vacations. "Dans les plus petites communes, les rémunérations demeurent morcelées, principalement pour des raisons historiques. On a aussi peut-être moins envie de montrer ce qu'on gagne dans l'ensemble aussi", analyse Yves Emery. Grâce à ce mode de rétribution, certains élus peuvent en effet doubler voire tripler leur salaire de base.

Dans les petites communes, on nous demande beaucoup. Il faut être plombier, pharmacien, avocat. J'assimile cela à de l'esclavagisme des temps modernes.

Alexandre Rochat, syndic de Cheiry (FR)

Alexandre Rochat n'a aucune gêne à l'idée de parler de son salaire. Vacations comprises, le syndic de Cheiry (FR), 388 habitants, touche environ 6000 francs par année. Une misère en regard des exigences de la fonction, estime-t-il: "Mon taux d'activité est bien supérieur aux 20% dont on m'avait parlé. Dans les petites communes, on nous demande beaucoup. Il faut être plombier, pharmacien, avocat. J'assimile cela à de l'esclavagisme des temps modernes. Même en Corée du Nord, on fait mieux." En poste depuis 2013, Alexandre Rochat s'est présenté à sa propre succession en 2016, afin de ne pas laisser ses dossiers en plan. "De toute façon, personne ne voulait être syndic", explique-t-il, un brin désabusé.

Je consacre un jour et demi par semaine à ma fonction. Si je ne touchais que 10'000 francs, j'en ferais simplement moins pour la commune.

Bertrand Savioz, président de Trient (VS)

En Valais, les quelque 170 citoyens de Trient (VS) n'ont par contre jamais eu de peine à renouveler leurs autorités communales. Fixé à 40'000 francs brut par année, sans compter les 120 francs par séance de l'exécutif, le salaire du président est largement avantageux par rapport à d'autres village de la même taille. A la tête de la commune valaisanne depuis 2016, Bertrand Savioz estime qu'il s'agit d'un salaire juste: "Il faut être rémunéré en conséquence de son travail. Je consacre un jour et demi par semaine à ma fonction. Si je ne touchais que 10'000 francs, j'en ferais simplement moins pour la commune".

Reste que le président de Trient a conscience d'être un privilégié, les finances de son administration étant en excellente santé grâce au retour des concessions hydrauliques du barrage de Barberine. "Les anciens ont bien fait leur boulot, c'est vrai qu'on peut se montrer un peu plus généreux mais la rémunération du président n'a pas changé depuis au moins huit ans", pondère-t-il.

L'omerta valaisanne

De manière générale, les administrations valaisannes sont celles qui rechignent le plus à communiquer le salaire de leurs élus. Sur les 126 communes du canton, 42 n’ont fourni aucune réponse. Malgré une invocation du principe de transparence, cinq d'entre elles ont même refusé d'entrer en matière. C’est par exemple le cas de Crans-Montana.

Dès lors que ces personnes sont rémunérées au moyen de deniers publics, elles n'ont aucunement le droit de s'opposer à la publication de ces chiffres.

Sébastien Fanti, préposé valaisan à la protection des données

Les différents préposés cantonaux à la transparence estiment pourtant que le salaire du chef de l'exécutif est une donnée publique. "Dès lors que ces personnes sont rémunérées au moyen de deniers publics, elles n'ont aucunement le droit de s'opposer à la publication de ces chiffres", rappelle le préposé valaisan Sébastien Fanti.

Pourquoi une telle omerta dans le Vieux-Pays? Une partie de la réponse se trouve dans le régime présidentiel, en vigueur partout dans le canton, qui permet à l'exécutif de fixer sa propre rémunération. Celle-ci est intégrée au budget global au moment de passer devant le législatif. Ainsi, les salaires y sont de manière générale plus élevés qu'ailleurs en Suisse romande. En comparaison, le président de Sion Philippe Varone gagne 25'000 francs de moins par an qu’un ministre valaisan, mais 10'000 francs de plus qu’un conseiller d’Etat genevois.

Kevin Gertsch, Cecilia Mendoza et Dimitri Zufferey

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769 communes sondées

La RTS a contacté par courriel un total de 769 communes entre septembre et novembre 2017. Ont été prises en compte, toutes les communes des six cantons romands, de même que celles appartenant aux arrondissements administratifs du Jura bernois et de Bienne pour le canton de Berne. Deux rappels ont été envoyés en l'absence de réponse. Au total, 130 communes sont restées muettes tandis que 10 autres ont simplement refusé de communiquer les chiffres demandés.