La photographie "Crucifix", où l'un des deux hommes enlacés a les bras écartés en croix, est une oeuvre de l'artiste Elisabeth Ohslon Wallin (2003), choisie pour illustrer un numéro consacré à l'accueil des personnes homosexuelles, transgenres ou intersexes. Elle a suscité l'ire d'une partie des lecteurs et a valu à la revue Réformés.ch quelque 250 lettres de lecteurs.
Loin de se rétracter, la rédaction explique son choix. "Nous ne regrettons pas d'avoir publié cette image", a expliqué Gilles Bourquin, théologien et co-rédacteur en chef de Réformés.ch, invité dans l'émission de la RTS Forum vendredi. "Pourquoi? Parce qu'elle a fait sortir une question que les protestants préfèrent souvent taire, celle de la présence du corporel, et pas seulement du spirituel."
"Etre choqué n'est pas un argument"
"Etre choqué n'est pas un argument en soi", poursuit le théologien. "Soit c'est l'image qui est choquante, soit c'est la personne qui est choquée par rapport à son propre développement émotionnel et affectif, ce qui peut dénoter une certaine immaturité."
Un avis que ne partage pas Jacques-André Haury, ancien membre de la Commission de consécration de l'Eglise réfomée vaudoise. "Ce qui est inacceptable, ce sont les bras en croix de l'un des personnages. Cela instrumentalise le Christ, au nom de la cause homosexuelle."
"Caractère diabolique"
"Cette photo a un caractère diabolique, c'est-à-dire qui divise. Par cette image, vous avez divisé les protestants", accuse-t-il, avant de souligner, textes de l'Ancien Testament à l'appui, que la différence biologique fondamentale entre hétérosexuels et homosexuels - la procréation - a de tout temps justifié des hiérarchies.
Réfutant l'accusation, Gilles Bourquin indique une autre lecture possible des bras en croix, celle de la persécution des homosexuels, en augmentation dans de nombreux pays du monde. Et recale sèchement l'argument de la procréation: "Faut-il interdire la sexualité aux couples hétérosexuels stériles? Et que dire de tous les mariages - hétérosexuels - qui se brisent, et qui rendent les enfants malheureux?"
Cette affaire aura eu le mérite de mettre en lumière une fracture sous-jacente: "Tout ce qui est caché sera mis en lumière", affirme encore Gilles Bourquin, citant les Ecritures. "En cela, cette photo est une réussite, parce qu'elle a fait ressortir cette thématique. Mais je reconnais que chez certaines personnes, la réaction est tellement forte que le dialogue est bloqué."
Propos recueillis par Mehmet Gultas/kkub