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Les terrains synthétiques mettent-ils en péril la santé des joueurs de foot?

Terrains de foot synthétiques: substances nuisibles
Terrains de foot synthétiques: substances nuisibles / 19h30 / 2 min. / le 23 mars 2018
Sur certaines pelouses de football synthétiques, des milliers de petites billes de caoutchouc, issues de pneus broyés, sont dispersées. Problème: ces granulés contiendraient des substances nocives pour l’être humain et pour l’environnement.

Tous les joueurs de football, professionnels comme amateurs, ont un jour foulé une pelouse artificielle. En Suisse, on en compte 380, selon des chiffres de l'Association suisse de football (ASF). Environ 250 d'entre elles sont dites "avec remplissage".

En effet, pour améliorer la jouabilité de ces terrains, des petites billes de caoutchouc sont parfois ajoutées aux fibres synthétiques. Une vingtaine de terrains sont concernés en Suisse romande.

Mais depuis une enquête du magazine français So Foot, suivie fin février par un reportage de l'émission Envoyé Spécial sur France 2, ces granulés sont au centre d'une vaste polémique. Ils seraient responsables de centaines de cas de cancer dans le monde et d'une importante pollution environnementale.

Jusqu'à 120 tonnes de pneus sur un terrain

Pour un seul terrain, près de 120 tonnes de caoutchouc sont nécessaires, soit l'équivalent d'environ 20'000 pneus. Ces gommes proviennent principalement du recyclage effectué par les industries chimique et pétrolière.

Et c'est là que le bât blesse. Plusieurs études scientifiques, citées par So Foot, font état de "190 substances classées comme toxiques ou cancérigènes". Des traces de plomb, de chrome et de HAP (pour hydrocarbures aromatiques polycycliques) sont notamment évoquées.

Ces substances peuvent entrer en contact avec les joueurs par la peau, par ingestion ou par inhalation. Mais les granulés peuvent aussi être emportés par le vent et la pluie, et contaminer les cours d'eau où les poissons peuvent les ingérer.

Interdiction "disproportionnée"

Pour l'ASF, il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Les instances dirigeantes du football se sont basées sur deux recommandations publiées par l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).

"L'évaluation des études scientifiques européennes et américaines réalisées entre 2004 et 2015 permet de conclure que les pelouses synthétiques fabriquées avec des granulés de caoutchouc provenant de pneus usagés ne présentent pas de risque particulier pour la santé des sportifs et des spectateurs", écrit d'ailleurs l'OFSP dans un document publié en mai 2017.

Toutefois, d'autres pays ont préféré interdire la construction des terrains avec remplissage de pneus en vertu du principe de précaution. C'est notamment le cas de l'Italie et des Pays-Bas. Une mesure similaire pourrait-elle être décidée en Suisse? "Non, car nous n'avons aujourd'hui rien dans les mains qui nous permette d'affirmer qu'il existe un risque pour la santé humaine", indique l'OFSP à la RTS. "Ce serait disproportionné", selon lui.

Alternatives "vertes"

Au niveau local, les arguments des autorités ne rassurent pas tous les acteurs. A Pully (VD) par exemple, le conseiller communal Jean-Luc Duvoisin a déposé un postulat proposant d'éliminer ces granulés en caoutchouc des terrains de sa commune.

"Tous les composés chimiques, les perturbateurs endocriniens, peuvent poser problème au niveau de la santé donc il faut essayer de les limiter au maximum", glisse l'élu.

D'autant que des solutions alternatives - et écologiques - existent. Les remplissages 100% organiques, composés de liège, peuvent être recyclés en fin de vie et sont neutres pour l'environnement.

Stefan Renna

Sujet TV: E. Botteron, G. De Diesbach, F. Zuercher, C. Brichet

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Bisbilles parmi les scientifiques

S'il y a bien une chose qui est certaine dans les débats scientifiques autour de cette question, c'est que rien n'est sûr. Parmi les spécialistes consultés par la RTS, tous concèdent qu'en l'état, il est impossible de se prononcer avec certitude sur la dangerosité des billes de caoutchouc contenues sur les terrains synthétiques.

Pour commencer, certaines études alarmistes seraient volontairement à charge. Elles prennent uniquement en compte l'"extreme worst case" (le pire des scénarios), explique l'OFSP. Et dans ce cas, "la situation n'est plus du tout réaliste".

Par ailleurs, une distinction doit être faite entre la notion de "danger" et celle de "risque", rappelle Nathalie Chèvre, écotoxicologue à l'Université de Lausanne. "Il existe des substances dangereuses mais qui ne présentent pas de risque si on n'y est pas exposé, et d'autres très peu toxiques mais qui peuvent s'avérer à risque en cas d'exposition prolongée", illustre-t-elle.

La question de l'exposition semble à ce titre cruciale, notamment lorsqu'on parle des "HAP". Si l’absorption de ces substances par la peau et par ingestion sont négligeables, le scénario d'exposition à retenir est celui de l'inhalation, indique Nicolas Roth, toxicologue à l'Université de Bâle. Mais même dans ce cas l'exposition est selon lui "relativement faible", surtout en comparaison avec d’autres sources d’exposition potentielle, comme le tabac.