Nathalie* est une ancienne accro à la cocaïne. Pendant sa période "addict", elle se procurait environ deux grammes par jour. La place de la Riponne, à Lausanne, était l'un des endroits où elle s'approvisionnait.
A l'époque, peu de choses auraient pu la détourner de sa consommation mais surtout pas la crainte des autorités. "Je n'avais absolument pas peur du flagrant délit, raconte-t-elle à la RTS, d'une part parce que j'étais dans le déni, et d'autre part parce qu'il y avait peu de contrôles policiers".
En cinq ans, Nathalie assure n'avoir été contrôlée que "trois ou quatre fois" par la police à Lausanne malgré sa consommation excessive. Davantage de contrôles "m'auraient peut-être freinée", suppose la jeune femme.
Peu de consommateurs verbalisés
Alors que les études montrent des signes de hausse de la consommation de cocaïne et que, selon Addiction Suisse, plusieurs dizaines de milliers de personnes en auraient pris au cours des derniers mois, le nombre de verbalisations de consommateurs reste modéré. Au niveau national, 5300 infractions ont été enregistrées l'an passé.
A l'échelle romande, les chiffres obtenus auprès des polices cantonales désignent, sans grande surprise, les cantons de Vaud et Genève comme ceux où le plus de dénonciations ont été enregistrées: plus de 900 l'année dernière dans le canton de Vaud, et environ 500 dans le canton de Genève. Neuchâtel a comptabilisé près de 270 infractions en 2017.
Dans les autres cantons, les chiffres sont bas: 90 verbalisations en Valais, une trentaine à Fribourg et seulement 7 dans le Jura.
"Traquer les dealers"
Contactés par la RTS, les ministères publics se défendent d'une quelconque impunité. Le Ministère public valaisan parle même de "tolérance zéro": "Si on prend quelqu’un avec de la cocaïne, il y aura forcément des suites. On constate, on dénonce, on sanctionne".
Mais il est clair que les polices ne mènent pas d'actions spécifiques à destination des consommateurs de cocaïne. Ceux qui se font pincer le sont souvent par d'autres biais, par exemple via un simple contrôle d’identité ou lors d'une infraction routière.
"La traque des consommateurs - de cocaïne ou d'autres drogues - n'est la priorité ni de la police, ni du Ministère public, ni des tribunaux", résume le procureur de Neuchâtel Nicolas Feuz.
"Les consommateurs ne font que mettre en danger leur propre santé. La priorité c'est de traquer les dealers" et "d'empêcher des scènes ouvertes, notamment à proximité d'endroits où il y a des jeunes", ajoute le procureur.
Plusieurs mesures administratives possibles
Selon l'article 19a de la Loi sur les stupéfiants (LStup), la consommation simple de stupéfiants - autres que les produits dérivés du chanvre, qui font l'objet de dispositions particulières - est une contravention, passible donc d'une amende dont le montant peut aller d'une centaine à, théoriquement, plusieurs milliers de francs (voir encadré).
"Il existe divers moyens pour faire baisser la consommation de stupéfiants, mais je ne pense pas que la loi pénale soit la solution", souligne le procureur de Neuchâtel. Dans le cas de consommateurs accros, souvent défavorisés et dépendants de l'aide sociale, les sanctions sont sans effet, développe-t-il.
Quant aux consommateurs récréatifs - ceux qui consomment occasionnellement, souvent le week-end ou dans un cadre festif -, il existe d'autres moyens de les décourager, décrit Nicolas Feuz. Outre l'amende, qui peut "revêtir un caractère dissuasif selon le niveau social de la personne", des mesures administratives peuvent se révéler efficaces: le retrait du permis de conduire - une sanction qui "passe très mal" - ou encore l'obligation de se soumettre à des tests médicaux pour prouver son abstinence.
Autant de mesures qui, selon le représentant du Ministère public, doivent aller de pair avec un développement de la prévention, en particulier auprès des plus jeunes.
*Prénom d'emprunt
Pauline Turuban, Fabiano Citroni
Des amendes de plusieurs centaines de francs
Les sanctions encourues pour consommation personnelle de cocaïne sont dans l'ensemble les mêmes selon les cantons, mais il existe quelques variations , notamment en ce qui concerne le montant des amendes:
Genève: une directive du Procureur général destinée au Service des contraventions prévoit un montant de 300 francs, tous types de stupéfiants confondus (hors cannabis).
Vaud: les amendes vont de 200 à 500 francs selon la quantité de produit, et s'il y a ou non récidive.
Neuchâtel: lorsque la quantité de cocaïne retrouvée sur la personne est inférieure à 10 grammes, c’est une dénonciation simplifiée qui donne lieu à une amende de 300 francs.
En Valais et à Fribourg, les ministères publics expliquent que le montant de l’amende est fixé en fonction de la situation personnelle du consommateur, des quantités constatées, d'une éventuelle situation de récidive...
Jura: les amendes oscillent en général entre 100 et 200 francs.
Comment faire la différence entre consommation personnelle et trafic?
Il appartient aux agents de police d'estimer si la drogue retrouvée sur une personne correspond à sa "consommation personnelle". La quantité est évidemment un indicateur crucial.
Au-delà d'une simple consommation personnelle, si la quantité retrouvée reste inférieure à 18 grammes de drogue pure, on considère qu'il s'agit de petit trafic et la personne encourt en général une peine pécuniaire. Au-delà de 18 grammes, la situation est aggravée et la peine encourue est au minimum d'un an de prison.
Outre la quantité, le conditionnement de la drogue ou encore les sommes d'argent retrouvées peuvent permettre de déterminer s'il s'agit d'une consommation personnelle ou de trafic.