Les réactions restent vives à Moutier au lendemain de l'annonce de l'invalidation, par la préfète du Jura bernois, du vote du 18 juin 2017. Les camps séparatiste et anti-séparatiste sont à couteaux tirés.
Politiciens de tous bords avaient lancé un appel au calme lundi et la nuit s'est déroulée sans incident mais elle a tout de même été animée par une action spectaculaire de placardage d’affiches menée par plus d'une centaine de militants autonomistes.
La rancoeur s'étale aussi sur les réseaux sociaux. Mardi matin, un décor créé par le porte-parole du comité "Moutier ville jurassienne", Valentin Zuber, fleurissait sur des dizaines de profils de pro-Jurassiens sur Facebook: le mot "démocratie" mêlé au drapeau du Jura, le tout barré d'une imposante croix rouge.
"Une deuxième affaire Moeckli"
Le PDC jurassien, la plus grande force politique du canton, a de son côté émis mardi un communiqué condamnant la décision - qualifiée de "vaste supercherie" - et invitant tous les représentants des partis politiques jurassiens à formuler une résolution interpartis ainsi qu’une pétition populaire à l'adresse de la Confédération.
"Les Bernois ne se rendent pas compte de l’erreur qu’ils viennent de commettre, c’est une deuxième affaire Moeckli", estime le président du PDC Jura Pascal Eschmann, conseiller municipal à Moutier, interrogé dans le 12h30 de la RTS.
Pour mémoire, l’affaire Moeckli est considérée par les historiens comme un des actes ayant présidé à la création du canton du Jura. En 1947, une majorité du Grand Conseil bernois avait évincé le Jurassien Georges Moeckli, appelé à prendre la Direction des travaux publics et des chemins de fer, au motif qu’il ne maîtrisait pas suffisamment la langue allemande.
Appel à manifester
Pascal Eschmann dit attendre sereinement le verdict d’une instance judiciaire neutre. Selon lui, on ne peut pas casser un vote sur des présomptions ou des analyses partisanes.
Le démocrate-chrétien considère que, si on annule le vote de Moutier, on pourrait aussi bien en annuler beaucoup d’autres en Suisse.
Son parti invite également à prendre part à la manifestation prévue vendredi soir à Moutier. "Trop longtemps les Jurassiennes et les Jurassiens se sont montrés conciliants et attentistes. Ce lundi 5 novembre signe le début d’un nouveau combat", conclut le communiqué.
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Sujet radio: Gaël Klein
Adaptation web: Pauline Turuban
Une période d'incertitude est ouverte
La Question jurassienne est bel et bien ravivée. Que peut-il se passer maintenant? Des recours contre la décision de la préfète du Jura bernois sont possibles devant le tribunal administratif du canton de Berne, puis au Tribunal fédéral voire jusqu'à la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) à Strasbourg, ce qui relancerait des années de procédure.
Les séparatistes pourraient aussi renoncer à recourir et viser un nouveau vote le plus rapidement possible, afin d'éviter un enlisement de la situation. Mais pouvoir revoter implique une "procédure législative compliquée", a relevé le conseiller national Pierre-Alain Fridez (PS/JU) lundi soir dans Forum.
Les pro-Jurassiens invités à débattre dans l'émission, Pierre-Alain Fridez comme le maire de Moutier Marcel Winistoerfer, ont en tout cas fait savoir qu'ils étaient favorables à ce que tous les recours possibles soient utilisés.