Comme le reste du pays, les Tessinois souhaitent reprendre une vie normale, mais les marques laissées par la crise sanitaire restent vives et il faudra beaucoup de temps et de multiples précautions pour y parvenir.
Pour le maire de Chiasso Bruno Arrigoni, interrogé samedi dans l'émission 15 minutes, le Tessin est particulièrement sensibilisé à la pandémie, probablement plus qu'ailleurs en Suisse: "On a été touchés très très fort, avec beaucoup de morts. Chacun ici connaît quelqu'un qui est mort ou qui est allé à l'hôpital."
348 morts et un réflexe de peur
Avec 348 morts, le Tessin est le deuxième canton le plus touché par le Covid-19 après Vaud (406 décès), mais c'est lui compte le plus de victimes par habitant au niveau suisse.
Depuis plusieurs jours, il n'y a toutefois pratiquement plus eu de nouveaux cas d'infection ou de décès et il ne reste quasiment plus de patients en soins intensifs. "Il y a enfin un rayon de soleil dans le ciel", a confié le président du Conseil d'Etat Norman Gobbi lors d'une conférence de presse cette semaine.
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Mais derrière ce soleil retrouvé se cache encore, chez les Tessinois, une peur de sortir, car la situation n'est pas tout à fait normalisée dans le canton. Pour le journaliste Moreno Bernasconi, "l'ampleur de la contagion et le nombre de morts ont suscité un réflexe de peur. A Zurich, en Engadine ou ailleurs, les gens n'ont pas vécu cela". Ainsi, nombre de personnes n'osent pas encore sortir sur les terrasses et sur les rives des lacs.
Signe de cette inquiétude, le Conseil d'Etat a critiqué les mesures prises par le Conseil fédéral qui va trop vite selon lui. Les rassemblements autorisés jusqu'à 30 personnes vont rendre le traçage des contacts bien plus difficile, a déclaré le directeur de la santé publique Raffaele de Rosa, qui aurait préféré une stratégie plus prudente de la part de la Confédération.
Une envie de réouverture
Au-delà de ces craintes naît aussi une envie de plus en plus pressante de rouvrir le canton, d'une part en accueillant à nouveau des touristes et d'autre part au niveau de la frontière italienne. "Nous devons maintenant tous revenir à la normalité", a déclaré le médecin cantonal Giorgio Merlani, en soulignant l'importance de le faire intelligemment.
Pour beaucoup, il s'agit de faire revenir les touristes. Le message lancé à Pâques, qui disait de ne pas se rendre au Tessin, a marqué négativement les esprits. Celui de l'Ascension, qui disait aux touristes de revenir, est vu comme un message d'espoir. Car le tourisme est essentiel pour le Tessin. Encore faut-il que les visiteurs soient bien accueillis quand ils arriveront, car les craintes sont encore vivaces.
Dans le canton, et en premier lieu à Lugano, les hôtels sont encore quasiment vides. Les clients business, notamment ceux qui sont attirés par les nombreux congrès qui se tiennent dans la ville habituellement, ne sont plus là. Et les quelques touristes qui reviennent ne sont pas encore suffisants pour la viabilité des hôtels. Mais "les Suisses aiment le Tessin et y viennent volontiers", note un hôtelier, qui a vu toutes ses réservations être annulées en quelques jours, à la fin février.
Le tourisme intérieur pour sauver la saison
Cet été, le Tessin va donc essentiellement miser sur le tourisme intérieur. Le canton latin, aux paysages qui rappellent ceux de l'Italie, riche en culture et en offres de loisirs, espère attirer les Suisses en nombre, et ainsi sauver la saison. "Le Tessin, ses lacs et sa riviera peuvent encore faire rêver", note Moreno Bernasconi. Ticino Turismo l'a bien compris et fait la promotion du canton sur les réseaux sociaux à coups de couleurs et d'images positives.
Ce retour est aussi important pour l'économie, car l'impact du coronavirus a été désastreux. Les finances cantonales et les finances de Lugano avaient enfin commencé à s'améliorer ces dernières années et il faudra presque tout recommencer.
Beaucoup de commerçants souhaitent aussi que la frontière rouvre, notamment du côté de Chiasso, car ils vivent grâce aux activités frontalières. Pour exemple, la ville-frontière compte 7000 habitants et ils sont 17'000 durant les journées, habituellement, à y travailler, y consommer. Mais là aussi, il reste un sentiment de peur, car la situation est encore tendue en Italie, un sentiment qui n'est pas encore près à s'atténuer.
Sujet radio: Joëlle Cachin et Jordan Davis
Adaptation web: Frédéric Boillat