L'histoire des internements administratifs ressurgit à l'occasion des 125 ans de la prison d'Hindelbank
"Cet établissement accueille des femmes de toute la Suisse pour purger des peines en milieu ouvert ou en milieu fermé et il les prépare à se réinsérer dans la société", a rappelé la ministre de la justice.
Dans son allocution, la cheffe du Département fédéral de justice et police Karin Keller-Sutter a évoqué les placements administratifs, qualifiant cette histoire de chapitre long et sombre dans l'histoire sociale de la Suisse.
Personnes enfermées sans procès
Des femmes et des hommes pouvaient ainsi être enfermés sans procès ni condamnation jusqu'en 1981. Selon les travaux de la commission d'enquête sur l'internement administratif, entre 20'000 et 40'000 personnes ont été concernées par cette mesure entre 1931 et 1981.
"Les personnes placées administrativement ont vécu côte à côte avec des criminels condamnés", a souligné Karin Keller-Sutter. La cheffe du DFJP a rappelé le sort d'Ursula Biondi, internée à Hindelbank dans les années 60 parce qu'elle était tombée enceinte alors qu'elle était mineure et voulait garder son enfant.
Ces personnes étaient souvent mises au travail par les autorités pénitentiaires, les hommes effectuant des travaux agricoles tandis que les femmes se consacraient souvent aux travaux ménagers.
Le seul établissement alémanique réservé aux femmes
Erigé en 1721 par Jérôme d'Erlach, le château d'Hindelbank est l'un des plus "somptueux exemples d'architecture baroque" bernois. Acheté en 1866 par l'Etat, il a d'abord été utilisé comme asile pour les pauvres avant d'être reconverti, il y a 125 ans, en maison de correction, puis en établissement pénitentiaire pour femmes.
Sur la page dédiée à cette prison, la commission d'enquête relate que cette institution a d'abord été utilisée pour répondre à la loi sur les établissements cantonaux de travail du 11 mars 1884, pour l'incarcération administrative de femmes "dissolues, alcooliques et peu enclines au travail". Selon la source historique citée, il s'agit de les "réhabiliter" notamment par le travail et la pratique religieuse.
Dès 1911, l'établissement héberge aussi les condamnées du canton de Berne, qui sont alors séparées des internées.
Mais la prison d'Hindelbank a également enfermé des femmes de plusieurs cantons voisins. Plus largement, par le biais d'ententes intercantonales, les établissements pénitentiaires du canton de Berne ont pris en charge un certain nombre de personnes détenues ou internées venant d'autres cantons suisses alémaniques et même de Genève et Neuchâtel, comme le montre un schéma réalisé par la commission.
Pour la présidente du gouvernement zurichois Jacqueline Fehr, Hindelbank est une institution particulière, car il s'agit encore actuellement du seul établissement d'exécution judiciaire destiné aux femmes en Suisse alémanique. Il s'agit donc d'un partenaire important pour tous les cantons de Suisse alémanique, a-t-elle souligné.
L'établissement ouvre ses portes pour une exposition
L’établissement pénitentiaire ouvre ses portes pour une exposition destinée à faire revivre le passé des murs du château d'Hindelbank. Celle-ci s'ouvre samedi et se tient jusqu'au 27 novembre. Elle a été conçue et installée par l’association "Projekt Hindelbank".
De plus, un ouvrage retrace la riche histoire culturelle et sociale des lieux ainsi que l’évolution de l’exécution des peines du 19e siècle à aujourd'hui.
Anouk Essyad avec l'ats