"Si je suis tout à fait franc, ça ne va vraiment pas très bien. Il y a deux à trois mètres de boue dans le bâtiment. Le niveau de boue à l'intérieur, c'est le même qu'à l'extérieur. On est allé jeter un coup d'oeil hier. Mais tout a été détruit." Jürg Hösli est désespéré, son entreprise de ferblanterie a été dévastée par la coulée de boue. Mais il a trouvé une solution provisoire dans une ancienne caserne de pompiers pour continuer son activité.
Après des cas similaires dans les Grisons à Bondo en 2017 et Brienz cet été, Schwanden et le canton de Glaris ont été durement touchés par un glissement de terrain. Le mardi 29 août, la montagne a libéré 30'000 mètres cube de terre, de rochers et d'arbres sur le village. Au total, six maisons ont été emportées, et une quarantaine de bâtiments sont lourdement endommagés. Il n'y a pas eu de victimes, car les habitants ont été prévenus suffisamment tôt de l'imminence de la catastrophe.
Des habitants évacués
Depuis plusieurs mois, la commune de Glaris-Sud a évacué petit à petit les habitants qui vivaient sous la menace d'un éboulement. Jürg Hefti a dû déménager avec sa femme et ses deux filles. "Cette montagne bouge depuis 3 ans... Et je n'ai jamais eu peur", raconte-t-il en regardant la cicatrice laissée sur la montagne, "mais en même temps, je n'avais jamais pensé que quelque chose comme ça pouvait se passer.
Le problème, c'est que le danger est encore bien présent. Deux tiers du matériau instable risque de s'effondrer ces prochains jours ou ces prochaines semaines. "Les perspectives sont très incertaines. Nous, ce qu'on voudrait, c’est que le matériel descende enfin, mais pas d'un coup, car il y aura encore des dégâts", se lamente Hansruedi Forrer, le président de la commune de Glaris-Sud, qui gère la catastrophe.
L'incertitude d'un éventuel retour
Un an à peine après avoir été élu, il vit aujourd'hui dans l'urgence du quotidien. Il collabore avec les différents services cantonaux et fédéraux de géologie qui guettent le moindre mouvement de la montagne. Et chaque jour, Hansruedi Forrer communique avec la presse et surtout avec ses administrés pour les tenir au courant de l'évolution de la montagne. "Il y a tellement de terre qui va encore se détacher, c'est problématique. Ils parlent de semaines, de mois. C'est donc ce à quoi on s'attend. Et c'est déjà tellement pesant après deux semaines", glisse-t-il.
Devant la zone sinistrée, les habitants font la file pour aller chercher quelques affaires. La mine est grave et le temps est compté avant de nouvelles pluies qui risquent de déstabiliser la montagne. Jürg Hefti est allé chercher des habits et de la nourriture: "On ne sait pas quand on va pouvoir retourner dans notre maison. Peut-être qu'on ne pourra jamais rentrer", conclut-il, inquiet.
Camille Degott, Cédric Guigon
Les paysans de montagne, premiers lanceurs d'alerte
"Je suis venu ici avec ma femme pour traire les chèvres. Elle s'est occupée de la traite, et j'ai observé la montagne. Et à 6h du matin, il y a le premier bout qui s'est détaché. J'ai tout de suite appelé le chef de l'Etat Major de la commune... et lui, il a parlé aux géologues. A chaque fois que la montagne faisait du bruit, on levait tout de suite les yeux vers elle."
Bernhard Gwerder est paysan sur un alpage du Muotathal (SZ), vallée voisine de Glaris. Cet été, un énorme bloc s'est détaché de la montagne (500'000 mètres cube). L'éboulement a recouvert les pâturages et il était aux premières loges.
Pour les géologues comme Stefan Tobler du bureau GEOTEST à Lucerne, la relation avec les paysans est un élément essentiel de leur analyse sur la montagne: "Ca nous permet de calibrer nos représentations, et c'est à ce moment-là qu'on arrive à s'imaginer ce qui se passe. Les gens qui vivent ici ont un excellent sentiment de la situation. Et si on ignorait cette information, cette source précieuse... ce serait de la négligence".