Chiasso, une poudrière migratoire?

"Chiasso, ce ne sera plus jamais pareil, c'est impossible, ça ne redeviendra pas ce que nous avons été." L'émotion se lit sur le visage de Maria José Soler, la patronne du bar Indipendienza, au centre-ville. "Les derniers mois, c'est avec la dernière vague de migration que tout a changé. Nous n'avons jamais eu tous ces problèmes avant."

Elle décrit les vols, les invectives et les bagarres: "Ils sont arrivés, ils ont cassé des verres, ils lançaient des tables, des chaises… Il était 21h30, les clients ont déguerpi", se lamente-t-elle, estimant que "tout le monde a peur".

Chiasso, c'est quand même un peu le Fort Alamo du Tessin

Commandant de la police de Chiasso, le capitaine Nicolas Poncini confirme la dégradation de la situation. Il réclame plus de moyens et une attention particulière pour ses agents: "Chiasso, c'est quand même un peu le Fort Alamo du Tessin, en un certain sens, donc le personnel est aussi motivé pour ça. Sans vouloir exagérer, ici c'est un peu la tranchée."

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RTS - Cédric Guigon

Le risque de généraliser et de stigmatiser

Mais le policier insiste sur un point: sur les 500 à 600 requérants d'asile présents à Chiasso, seul un nombre limité de migrants pose problème, souvent les mêmes individus.

De leur côté, les requérants d'asile admettent que la situation est parfois tendue et déplorent le comportement de certains migrants. "Ici, ce n'est pas chez nous. Nous sommes venus pour demander l'asile, chercher une meilleure vie. Ça donne une mauvaise image de nous, ce n'est pas bon", lâche Pierre*, arrivé de Guinée via l'île de Lampedusa.

D'autant que cette tension récente ne doit pas jeter l'opprobre sur l'ensemble des arrivants: "Nous, on a un contact avec des migrants qui ne posent aucun problème", rappelle Rudy Cerighetti, responsable des activités de maintenance de la ville de Chiasso. En lien avec le Secrétariat d'Etat aux Migrations, il propose plusieurs fois par semaine aux requérants des travaux d'intérêt général pour la commune, sur une base volontaire. Mauvaises herbes, feuilles d'automne, buissons à tailler: les activités sont diversifiées et appréciées par nombre de requérants.

Le problème à Chiasso, c'est que nous sommes 8000 habitants et qu'on ne pourra pas gérer 1000 personnes de plus

Ce jour-là, parmi les volontaires se trouvent un opposant politique vénézuélien, un ancien membre du cabinet de l'ex-président afghan et des opposants kurdes. "On ne peut pas généraliser les problèmes, on a des profils vraiment intéressants, avec des personnes qui ont beaucoup à dire", s'enthousiasme Rudy Cerighetti.

Il résume la crainte d'un afflux de migrants: "Le problème à Chiasso, c'est que nous sommes 8000 habitants et qu'on ne pourra pas gérer 1000 personnes de plus."

^{*prénom d'emprunt}

Cédric Guigon et Nicole Della Pietra